Les arbres dans la Métropole du Grand Paris
Vers une base de données de décompte et d’identification

Les données de télédétection de la végétation basées sur les images aériennes permettent un recensement de la couverture végétale à l’échelle de la Métropole du Grand Paris. Pour la première fois, une base de données décompte les arbres, qu’ils soient situés dans les espaces publics ou dans les espaces privés.

Neuilly-sur-Marne : Le quartier des Fauvettes © ph.guignard@air-images.net

La télédétection de la végétation basée sur les images aériennes est une technique qui permet le recensement le plus exhaustif possible de la couverture végétale d’un territoire.
Elle est employée dans de nombreux travaux de l’Apur depuis 2005, et la mise à jour régulière des clichés permet une connaissance toujours plus fine de la végétation sur l’ensemble des 814 km² de la Métropole du Grand Paris.

La télédétection permet de rendre compte de la superficie de la couverture végétale (338 km² dans la Métropole du Grand Paris), et, couplée à un modèle numérique de terrain, de rendre compte de la hauteur des végétaux, généralement présentée et exploitée selon 3 classes de hauteurs : herbacée, arbustive, arborée. L’Apur a cherché à exploiter ces données pour réaliser une première estimation des arbres dans la Métropole ; cette connaissance fait souvent défaut aux collectivités dans les secteurs dont elles n’ont pas la gestion, comme par exemple les parcelles privées. Cette technique, nouvellement mise au point à l’occasion de ce travail, présente quelques limites qui sont rappelées à la fin de ce document.

Pourquoi identifier et comptabiliser les pieds d’arbres ?

Depuis de nombreuses années, les outils informatiques comme les Systèmes d’Information Géographiques (SIG) aident les collectivités dans la gestion de leurs patrimoines arborés. Ainsi, les arbres référencés sont localisés et identifiés dans des bases de données. Les informations qui figurent dans ces bases sont, par exemple : la date de plantation, le genre et l’essence, la nature de la propriété foncière qui accueille les arbres, etc. Ce référencement informatique permet également le suivi des arbres par les équipes de gestion. Les jardiniers en charge de l’entretien des arbres peuvent renseigner des informations telles : l’état phytosanitaire, la date du dernier élagage, la circonférence du tronc, la hauteur de l’arbre, etc.

Le repérage et la qualification des arbres permettent d’améliorer la gestion du patrimoine arboré par les services gestionnaires des collectivités. Ils offrent également la possibilité d’orienter les politiques publiques, en permettant de qualifier les services écologiques par ce patrimoine, comme par exemple la quantité d’ombrage offert par les arbres en période de canicule ou le rafraîchissement de l’air par évaporation d’eau dans les feuilles. Au regard de ces éléments, une collectivité peut planifier l’évolution de son patrimoine arboré et définir ses objectifs, elle peut aussi décider de protéger certains arbres des abattages et modifier ses politiques d’élagage en prenant davantage en compte les services écologiques rendus, prescriptions qui figurent parfois dans certains documents réglementaires tels les PLUs.

Une connaissance du patrimoine arboré souvent limitée aux alignements et jardins publics

Les collectivités qui ont mis en place le suivi informatique et géographique des arbres n’ont généralement pu le faire que sur le parc qu’elles gèrent elles-mêmes. Ainsi, la connaissance des arbres est souvent lacunaire dans les lieux non gérés par les collectivités comme les parcelles privées, certains jardins gérés par l’État et autres institutionnels.

Afin de combler ces manques dans les inventaires et pour fournir une connaissance plus fine que la seule couverture végétale, l’Apur a mis en place un outil d’identification des arbres grâce à la télédétection aérienne. Cet outil propose une localisation approximative qui peut être employée comme prédiagnostic ; cette première approche sera idéalement complétée par des relevés et inventaires in situ. Il faut également noter que cet outil a tendance à sous-estimer le nombre d’arbres notamment dans les situations où la densité arborée est forte et/ou quand les cimes des arbres sont peu marquées, ce qui est le cas dans les bois et forêts, ou quand la taille des arbres est importante.

Méthodologie d’identification automatique

Les données de végétation sont constituées en traitant des images aériennes prises à partir d’un capteur en proche infrarouge, et en les croisant ensuite avec des données issues d’un Modèle Numérique de Surface (MNS) et de Terrain (MNT) prises avec d’autres types de capteurs (Caméra 3D ou LIDAR). Ce traitement permet de reconstituer la couverture végétale d’un territoire (voir à ce propos la note de 4 pages explicative).

Afin de mettre au point la procédure d’identification automatique des arbres, une première étape consiste à retrancher aux données de télédétection la végétation de moins de 3 mètres, qui concerne en général les strates herbacées et arbustives non étudiées ici.

Télédétection de la végétation (en vert) avec suppression des strates végétales de moins de 3 mètres (en rose). Vue en plan du jardin des tuileries (Paris 1er). © Apur

La couverture végétale de plus de 3 mètres d’élévation, lorsqu’on la regarde depuis le ciel, possède des points hauts et bas. Les points hauts correspondent aux cimes des arbres, et les points bas marquent les limites de leur canopée. Un premier exercice consiste à comptabiliser les cimes des arbres car, en première approximation, elles sont situées à la verticale des pieds des arbres que l’on tente de repérer. Afin d’identifier les cimes des arbres, qui se présentent comme des maximums locaux de l’élévation de la couverture végétale, il est possible d’utiliser des algorithmes initialement conçus pour repérer les crêtes ou les cimes des montagnes.

Dans les modèles numériques de surface/terrain, les outils basés sur la méthode « geomorphon », permettent d’identifier la morphologie du terrain et les différentes typologies associées (crêtes, cimes, dépressions, vallées, creux, plat, etc.), par reconnaissance de formes. La méthode utilise un modèle dit à 8 tuples de voisinage de visibilité, de façon à pouvoir recenser l’ensemble des cas. L’outil r.geomorphon de GRASS (logiciel libre) utilisé ici pour la détection des sommets de canopée, est d’abord appliqué sur les données entre 3 et 35 mètres de la matrice de hauteur de végétation, de façon à isoler la strate arborée et éliminer le « bruit » correspondant notamment à la végétation des balcons et aux arbres au sommet de bâtiments. L’ensemble de ces pixels codés en « sommet » est ensuite vectorisé pour extraire le centroïde et obtenir une première version brute des pieds d’arbre (points).

Hauteur de végétation et sommets détectés. © Apur

La canopée d’un arbre peut présenter plusieurs maximums. Pour réaliser le nettoyage de ces maximums dits « secondaires » situés à moins 2,5 mètres d’une cime, des traitements successifs de proximité et de maximum de hauteur associés à des jointures spatiales sont réalisés sur la couche de points bruts. Le surplus de pieds d’arbre est retiré en gardant les points avec la hauteur la plus importante. Une dernière suppression des éléments présents dans les emprises bâties vient terminer ce workflow d’identification des arbres.

Identification automatique de la cime des arbres (points noirs) avec suppression des maximums secondaires situés à moins 2,5 mètres d’une cime. Vue en plan du Jardin des Tuileries (Paris 1er). © Apur

 

Limites de l’exercice

Cette technique d’identification automatique par télédétection possède deux limites :

  1. Pour les espaces forestiers denses ou les massifs de type Miyawaki, avec très peu de variations de hauteurs entre les arbres, la superposition des strates végétales (régénération naturelle, taillis sous futaie, etc.) rend difficile la détection des arbres de moyens ou petits développements, masqués sous la cime des grands arbres. Dans ce cas l’algorithme de détection ignore une part des arbres constituant ces boisements.
  2. La forme des arbres peut également perturber l’identification, notamment quand la taille porte atteinte à la cime. C’est par exemple le cas des pratiques de taille dites « en plateau ». Dans ce cas l’absence de maximum au sein de la canopée rend aléatoire la détection automatique et l’algorithme positionne alors les points d’arbres sans rapport direct avec le nombre et la localisation des pieds.


Perspectives

Cet exercice d’identification des pieds d’arbres a permis de tester un algorithme qui produit des résultats globalement satisfaisants. S’il semble minimiser, dans quelques situations prédécrites, la présence réelle des arbres, il permet de reconstituer les grands alignements sur l’espace public, il est très fiable pour repérer les arbres isolés, et il est capable de donner une approximation du nombre d’arbres dans des lieux non inventoriés par des collectivités telles les parcelles privées ou les abords des grandes infrastructures. Ce repérage peut servir de base à de futurs inventaires.
Le paramétrage de l’algorithme employé ici pourra faire l’objet de développements ultérieurs notamment en fixant des seuils différenciés selon les typologies d’espaces rencontrés : alignements d’arbres des voies publiques ou privées, cours d’immeubles, parcs, jardins, bois, etc.
Une suite possible de ce travail sera la réalisation d’une base de données des arbres de toute la Métropole accessible en opendata qui s’appuiera sur les données précises des collectivités lorsque celles-ci disposent d’inventaires et de recensements par reconnaissance automatique quand les inventaires font défaut.

Reconnaissance automatique des arbres de plus de 3 m aux alentours de la cité Gaston Roulaud à Drancy (93) © Apur

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  • Note

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