Crise sanitaire : une activité commerciale plus impactée dans les pôles de bureaux les plus denses

En Île-de-France, les emplois de bureau sont concentrés dans 35 pôles, principalement situés dans la Métropole du Grand Paris, à l’image du Quartier Central des Affaires et de La Défense.

La Défense © Apur – Arnauld Duboys Fresney

Au sein de ces pôles de bureaux, l’activité des commerces et services est portée par 230000 salariés travaillant pour les besoins des actifs comme des résidents. Cette activité a été diversement impactée lors des épisodes de crise liés à l’épidémie de Covid-19. Du fait notamment de leur spécialisation dans la restauration et de la moindre présence des actifs sur leur lieu de travail (télétravail), les pôles de bureaux « à forte dominante d’emplois » et les pôles « principalement parisiens » ont été les plus pénalisés. À l’inverse, dans les pôles plus résidentiels, les résidents ont pu contribuer à soutenir l’activité.

En 2018, l’Île-de-France comprend 2,8 millions d’emplois salariés de bureau, dont près de 1,4 million est concentré dans 35 pôles (pour comprendre - cf zone grisée ci-dessous). Ces derniers représentent la moitié des emplois de bureau de la région alors que leur superficie totale ne couvre que 1% du territoire francilien et regroupe 8,4% de sa population (figure 1).

Pôles de bureaux franciliens et densité d’emplois de bureau - Sources : Insee, Flores 2018 ; Sirene géolocalisé © Apur

Parmi les 35 pôles de bureaux définis, 26 sont situés au sein de la métropole du Grand Paris (MGP), dont six à Paris. Ils représentent 1,2 million d’emplois. Les neuf autres pôles sont localisés dans le reste de la région (190000 emplois de bureau).

Outre leurs caractéristiques géographiques, les pôles se distinguent par des différences de taille et de spécificités économiques, d’équilibre entre bureaux et logements, mais aussi d’offre de commerces et services rapportés aux emplois de bureau. Ils peuvent ainsi être répartis en cinq groupes, chacun des groupes illustrant des situations différenciées.

POUR COMPRENDRE

La méthode d’élaboration des pôles de bureaux pour cette étude est similaire à celle qui avait été mobilisée pour l’étude réalisée en 2014, mais restreinte aux activités « de bureau ». Elle s’appuie pour l’essentiel sur Sirene géolocalisé et Flores. Elle permet de construire des zones qui concentrent géographiquement un grand nombre d’emplois. Afin de refléter au plus près la réalité économique du territoire, les zones ne sont pas des regroupements d’unités administratives ou statistiques habituelles (Iris, commune…), mais de carreaux de 100 mètres de côté où le nombre de salariés de bureau est supérieur à la population résidente. Un algorithme d’agrégation, dont les paramètres diffèrent entre Paris, petite couronne et grande couronne, a permis d’agglomérer les carreaux. Les pôles retenus ont au moins 10000 emplois de bureau. La source Fidéli a été ensuite utilisée pour établir le nombre d’habitants dans ces pôles.
Les activités de services et de commerces au sein des pôles de bureaux ici analysées ont été déterminées à partir de l’activité principale de l’établissement (APET). Ces activités sont réparties entre une sphère présentielle, destinée à la satisfaction des besoins locaux, et une sphère productive, qui correspond à tout ce qui ne participe pas de la sphère présentielle. Ont été retenues les seules activités de la sphère présentielle susceptibles d’attirer des clients durant la pause méridienne ou bien en sortie de bureau.

 


Cinq types de pôles de bureaux

==> Les pôles « principalement parisiens »

Ce premier groupe est constitué de six pôles extrêmement denses (300 emplois de bureau à l’hectare) et faisant néanmoins partie intégrante du tissu urbain parisien. Il s’agit du Quartier Central des Affaires (QCA), de Gare de Lyon – Paris Rive Gauche, de Châtelet – Hôtel de Ville, du 7e arrondissement, de Neuilly et de Montparnasse. Pour l’essentiel situés à Paris, ces pôles accueillent 38 % des emplois de bureau de l’ensemble des pôles franciliens, et 22 % de la population correspondante sur seulement 13 % de la superficie. Ils se caractérisent aussi par une offre de commerces et de services très élevée au regard des emplois de bureau.

Le pôle le plus emblématique de ce groupe est le QCA (8e, 9e et 17e arrondissements de Paris) : il représente à lui seul près du quart des emplois de bureau de l’ensemble des pôles de l’Île-de-France. Il constitue le pôle d’emplois le plus important et l’un des plus denses de la région (près de 400 emplois de bureau à l’hectare). Ses activités sont spécialisées dans les services professionnels (activités juridiques et de conseil). En outre, il attire une clientèle touristique importante, en lien avec la présence de certains sites de renommée mondiale (tour Eiffel, Champs-Élysées, Galeries Lafayette), ainsi que des commerces de luxe (place Vendôme…).

==> Les pôles « à forte dominante d’emplois »

Dans ce groupe de huit pôles, le nombre d’emplois de bureau est deux fois plus important que la population résidente, et l’offre commerciale et de services est plus de deux fois plus faible qu’en moyenne sur l’ensemble des pôles.

Avec plus de 190 000 emplois de bureau, le pôle de La Défense est le plus important du groupe. Dans ce pôle, se trouve le quartier d’affaires d’envergure internationale du même nom, spécialisé dans l’intermédiation financière, l’assurance, les activités informatiques et l’administration d’entreprise. Mais ce dernier inclut aussi le quartier administratif de Nanterre (préfecture), moins dense en emplois de bureau.

Au-delà de La Défense, sept pôles à l’importance nettement moindre (effectifs entre 10 000 et 38 000 chacun) appartiennent à ce groupe où les emplois de bureau sont très nombreux au regard de la population : Saint-Quentin-en-Yvelines, Rueil-sur-Seine, Charles de Gaulle – Villepinte, Villette – Aubervilliers, Val-de-Fontenay, Bécon-les-Bruyères et Courtabœuf Paris-Saclay.

==> Les pôles « secondaires mixtes »

Certains pôles comptent à peu près autant d’emplois de bureau que d’habitants et peuvent ainsi être qualifiés de pôles secondaires mixtes. Au nombre de huit, ils se situent, pour la plupart, en petite couronne, dans un grand arc de cercle allant du nord à l’ouest de Paris. Ces pôles (Boulogne – Issy, Levallois, Plaine-Saint-Denis, Vélizy, Suresnes, Gennevilliers, Ivry – Charenton et Clichy – Saint-Ouen) sont spécialisés dans les activités scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien. Le nombre de commerces et de services rapporté au nombre d’emplois de bureau est par ailleurs plus faible que la moyenne observée dans l’ensemble des pôles.

==> Les pôles « préfectoraux »

Dans ce groupe, les emplois de bureau sont légèrement plus nombreux que la population résidente, et les plus importants employeurs sont les communes, les préfectures et les départements. Ce groupe est constitué de cinq pôles : Évry, Melun, Cergy, Bobigny Préfecture et Créteil Préfecture. Dans ce dernier pôle, 96 % des emplois de bureau relèvent de l’administration publique. Comme pour les pôles « secondaires mixtes », l’offre de commerces et de services est en moyenne plus faible que dans l’ensemble des pôles (respectivement 12,5 et 15,6 établissements pour 1 000 emplois de bureau).

==> Les pôles « à dominante résidentielle »

Au sein des huit pôles « à dominante résidentielle », situés dans un grand arc de cercle du sud à l’est de la capitale, les habitants sont plus nombreux que les emplois de bureau. Dans cet ensemble, figurent les pôles de Malakoff, Bas-Montreuil, Versailles, Massy Palaiseau, Montrouge – Vache noire, Marne-la-Vallée, Pantin et Noisy-le-Grand – Mont d’Est. L’offre de commerces et de services y est importante. L’emploi y est globalement plus diversifié que dans les autres pôles. Néanmoins, les activités financières et d’assurance, les activités d’information et de communication ainsi que les activités scientifiques et de soutien aux entreprises sont très présentes. À titre d’exemple, le pôle du Bas-Montreuil est un quartier d’affaires de la MGP (22 000 emplois de bureau) où sont installés de grands établissements, tels que BNP-Paribas, Ubisoft Paris ou Orange Bank.


230 000 salariés des commerces et services dans les pôles de bureaux franciliens

Pour étudier la situation des commerces et services implantés dans les pôles de bureaux, plusieurs activités relevant plutôt de « l’économie présentielle » ont été sélectionnées ; elles regroupent sept domaines : la restauration et les débits de boissons, les commerces de détail alimentaires, les commerces et services d’équipement de la personne (coiffeurs et commerces d’habillement), les commerces et services d’équipement de la maison (librairies, établissements de réparation de téléphonie mobile…) mais aussi certaines activités de loisirs, de santé, et d’autres activités (bureaux de poste, autoécoles, agences de voyages…). Elles représentent 22 000 établissements de commerces et services implantés au sein des pôles de bureaux franciliens, pour 230 000 salariés, soit 27 % des salariés exerçant ces mêmes activités dans l’ensemble de la région.

De manière générale, les pôles « principalement parisiens » et les pôles « à dominante résidentielle » se distinguent par une offre de commerces et de services nettement plus élevée que les pôles « à forte dominante d’emplois » et les pôles « secondaires mixtes » ou « préfectoraux ». Le QCA, en particulier, est celui où les volumes d’établissements de commerces et de services d’une part (7 500), et de salariés employés d’autre part (85 000), sont les plus importants de la région. À lui seul, il représente plus d’un tiers de l’ensemble des emplois de commerces et services situés dans les pôles de bureaux franciliens. Quatre autres pôles présentent une offre de commerces et services développée, comptant chacun plus de 1 000 établissements et 10 000 salariés : Gare de Lyon – Paris Rive Gauche, Boulogne – Issy, La Défense et Châtelet – Hôtel de Ville.


Davantage d’établissements de restauration parmi les commerces et services

Parmi les commerces et services retenus dans l’étude, les restaurants et débits de boissons sont les principaux pourvoyeurs d’emplois. Ils sont suivis par les établissements d’équipement à la personne. Au total, près de trois salariés sur cinq travaillent dans ces deux types d’activité (figure 2).

Répartition des emplois salariés de commerces et services par activité et par groupe de pôles de bureaux - Source : Insee, Flores 2018 © Apur

Dans les pôles « principalement parisiens », où se côtoient touristes, actifs et habitants, les restaurants ou débits de boissons et les établissements d’équipement de la personne emploient 69 % des salariés de tous les commerces et services retenus dans l’étude. Ces deux types de commerces sont également présents, dans une moindre mesure, au sein des pôles « à dominante d’emplois » (57 %).

Dans les pôles « secondaires mixtes », majoritairement localisés en petite couronne, les emplois dans la restauration représentent 35 % des effectifs, puis c’est le commerce de détail alimentaire qui emploie le plus grand nombre de salariés, devant les établissements d’équipement de la personne.

À l’inverse, dans les pôles « préfectoraux » et dans les pôles « à dominante résidentielle », la restauration et les débits de boissons ainsi que les activités d’équipement de la personne comptent pour moins de 40 % des salariés. Cela s’explique en partie par la présence de services de restauration collective au sein des cités administratives.


Un recours à l’activité partielle globalement plus élevé dans les commerces et services à proximité des pôles de bureaux

Pendant les premières vagues de l’épidémie de Covid-19, les commerces et activités de service implantés dans les pôles de bureaux ont eu recours au dispositif de l’activité partielle pour faire face aux baisses d’activité. Ce recours n’est pas spécifique aux pôles de bureaux, mais il y a été globalement plus important que dans le reste de la région, notamment durant les périodes de levée partielle des mesures de restriction. Entre juin (premier déconfinement) et octobre 2020, le nombre de salariés placés en activité partielle s’élève à 29 % en moyenne au sein des pôles de bureaux, soit 6 points de plus qu’ailleurs dans la région. En septembre 2020, le recours à l’activité partielle est moins fréquent, mais il demeure supérieur dans les pôles de bureaux (22 % contre 15 %).

La situation globalement moins favorable des pôles de bureaux tient principalement à deux raisons : la restauration, surreprésentée au sein de ces pôles, est le secteur le plus fortement concerné par l’activité partielle (figure 3). Par ailleurs, les salariés de ce secteur exerçant au sein des pôles de bureaux ont davantage été touchés par l’activité partielle que leurs homologues exerçant ailleurs dans la région (53 % contre 49 %). Ce dernier constat apparaît comme une conséquence du télétravail, plus pratiqué pour les salariés exerçant un emploi de bureau, et donc plus fréquent dans les pôles de bureaux que dans les autres territoires. À titre d’illustration, en France, en juin 2020, pour sept établissements de l’information et communication sur huit, au moins 30 % de leurs salariés étaient en télétravail. Dans l’ensemble de l’économie, selon l’enquête Acemo-Covid, un tel recours aussi significatif au télétravail ne concernait que trois établissements sur dix.

Taux de recours à l'activité partielle des salariés des pôles de bureaux franciliens par activité de commerce et de services - Sources : ASP-DGEFP-Dares - Extraction du SI APART – Urssaf / Traitements Drieets Île-de-France © Apur


Les commerces et services particulièrement touchés dans les pôles « principalement parisiens » et à « forte dominante d’emplois »

La situation décrite pour l’ensemble des pôles masque d’importantes disparités selon les types de pôles. Du fait de leur dépendance plus forte aux actifs occupant des emplois de bureau et de leur offre commerciale davantage tournée vers les actifs que vers les résidents, certains pôles ont été nettement plus impactés que d’autres par la crise (figure 4). C’est notamment le cas des pôles « principalement parisiens » et « à forte dominante d’emplois ». Dans ces territoires, les établissements ont fait face à l’augmentation du nombre de télétravailleurs, ainsi qu’à la baisse significative de la clientèle touristique. À titre d’exemple, en juin 2020, 60 % des salariés des commerces et services des pôles « à forte dominante d’emplois » étaient concernés par le recours à l’activité partielle, contre 43 % dans l’ensemble des pôles de bureaux franciliens.

Taux de recours à l'activité partielle dans les activités de commerce et de services selon les groupes de pôles franciliens - Sources : ASP-DGEFP-Dares - Extraction du SI APART – Urssaf / Traitements Drieets Île-de-France © Apur

Les pôles « à dominante résidentielle » et les pôles « préfectoraux », où la densité d’emplois de bureau est peu élevée, ont ainsi moins pâti de la crise : la population résidente, importante par rapport au nombre d’emplois de bureau, a pu consommer localement, d’autant plus qu’une partie des actifs étaient en télétravail à leur domicile. De plus, les commerces et services proposés dans ces pôles relèvent moins souvent de la restauration et de l’équipement de la personne, et davantage du commerce de détail alimentaire et des autres services, où les taux de recours à l’activité partielle sont plus faibles.

Au-delà de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, la situation différenciée des pôles de bureaux, appréhendée ici par le recours à l’activité partielle, pourra, à terme, être analysée à l’aune des transformations peut-être durables de l’organisation du travail. Pendant la crise, les emplois ont été globalement préservés grâce aux dispositifs d’aide. La pérennisation du télétravail et les stratégies des entreprises en matière d’occupation des bureaux pourraient continuer à impacter diversement l’activité des commerces et services implantés dans les pôles de bureaux.


Sources

Le fichier localisé des rémunérations et de l’emploi salarié (Flores 2018) permet de décrire l’emploi salarié sur l’ensemble des secteurs d’activité et des employeurs. Il couvre la totalité des employeurs (fonction publique, employeurs privés, y compris les particuliers-employeurs), à l’exception des activités du ministère des Armées.

L’indication géographique des établissements dans Flores est limitée à la commune, ou à l’arrondissement dans le cas de Paris, Lyon et Marseille. Sirene géolocalisé indique la situation exacte de l’établissement au sein des communes et permet de déterminer ceux qui sont présents dans les limites d’un pôle de bureaux.

Le recensement de la population 2018 est la source utilisée pour établir la population de la région.
L’effectif salarié total (hors emploi public et agriculture) de l’Urssaf sert au calcul du taux de recours de l’activité partielle.

 

Définition

Le dispositif de l’activité partielle (ou chômage partiel) permet aux établissements confrontés à des difficultés économiques temporaires de diminuer ou suspendre leur activité sans pour autant rompre les contrats de travail les liant à leurs salariés. Ces établissements déposent des demandes d’indemnisation (DI) de l’activité partielle pour chaque mois durant lequel ils recourent au dispositif. Le traitement de ces demandes est assuré par les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets ou Drieets). Les salariés concernés sont alors indemnisés en contrepartie de la réduction de leur temps de travail afin de compenser leur perte de salaire.
 

 

Ressources

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    Crise sanitaire : une activité commerciale plus impactée dans les pôles de bureaux les plus denses

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    Données complémentaires : liste des activités de bureau retenues, activités de commerces et services retenues et leur regroupement par catégorie et profil des pôles de bureaux

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