150 cartes inédites pour comprendre la ville
En 1900, la Librairie Larousse publie « Paris-Atlas », portrait d’une ville à l’heure des deuxièmes Jeux Olympiques de l’ère moderne et de la cinquième Exposition Universelle parisienne. Réalisé sous la direction de l’archiviste, paléographe, Fernand Bournon, cet ouvrage offre une description précise et méthodique de la capitale au travers de vingt-huit cartes originales et plus de cinq cents illustrations. Preuve de l’intérêt que suscite cette publication vendue à l’origine par souscription, l’atlas est réédité, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, dans un volume unique rassemblant les vingt-cinq fascicules d’origines : un par arrondissement, un pour situer la commune dans son histoire et quatre pour l’inscrire dans le territoire.
La notoriété de cet atlas auprès des amoureux de Paris et l’organisation d’une nouvelle Olympiade nous invitent naturellement à tenter de transposer l’exercice cartographique, avec les moyens contemporains, pour rendre compte de la ville aujourd’hui et de ses mutations récentes tant sur le plan architectural et urbain que sociologique et environnemental. Découpé en une cinquantaine d’entrées, rythmées par des ouvertures à l’échelle métropolitaine, « Paris Atlas 2024 » propose un parcours des sous-sols à l’atmosphère. Une lecture verticale qui traduit la circularité et l’imbrication des enjeux contemporains : de la perméabilité des sols aux nappes phréatiques, de la pleine terre à la végétalisation, des plantations à la canopée, de l’ombre à la résilience urbaine face au réchauffement climatique.
Ainsi les 150 cartes inédites tissent des liens, elles font aussi dialoguer les sujets pour décrypter les transformations à l’œuvre. L’analyse des développements du parc de logements dont la hausse importante des résidences secondaires et occasionnelles permet d’expliquer les tendances démographiques. Si Paris compte 2 133 111 Parisiens, soit un peu plus qu’il y a 25 ans (2,12 millions) et un peu moins qu’il y a 40 ans (2,17 millions), l’augmentation particulièrement forte de ces logements dits inoccupés entraîne, malgré une hausse du parc global, une diminution du nombre de résidences principales et donc d’habitants. Dans une ville cosmopolite dont un quart de la population a entre 20 et 34 ans et les deux tiers sont nés ailleurs, l’accès au logement conditionne plus que tout autre phénomène l’équilibre démographique.
Fondé sur un ensemble de données créées ou mis à disposition par de nombreux partenaires et institutions, l’atlas capture aussi une photographie de l’existant. Capitale culturelle et touristique, Paris compte 53 cabarets, 78 cinémas, 130 musées, 232 théâtres et salles de spectacle vivant, 75 bibliothèques publiques, 1859 monuments historiques… et 25 millions de touristes par an dont 11 millions de Français. Capitale étudiante et économique, elle accueille plus 960 établissements d’enseignement supérieur et 17,6 millions de mètres carrés de bureaux dont 40 % dans le quartier central des affaires. Capitale solidaire, elle finance 120 000 nouveaux logements sociaux depuis 2001 dont plus du tiers (34 %) est situé dans les arrondissements du centre et de l’ouest et engage 25 % de son budget d’investissement dans les quartiers populaires. Capitale gastronomique, Paris compte 15 200 bars brasseries et restaurants dont 120 étoilés et 93 % des Parisiens habitent à moins de 5 minutes d’une boulangerie.
L’ensemble cartographique rassemblé et les données qui l’accompagnent mettent en regard la ville telle qu’elle existe, se planifie mais aussi se pratique. La politique de reconquête de l’espace public, des rues, des places ou des berges de Seine et des canaux au profit du piéton, des mobilités cyclables et de la végétalisation accompagne la démotorisation des ménages (moins de 35 % possèdent une voiture) ainsi que l’évolution des habitudes de transport. La hausse continue de la marche (plus de 65 % des déplacements) et de la fréquentation des aménagements cyclables (plus 18 % entre 2022 et 2023) en témoigne. Cette adaptation de l’espace commun se conjugue avec l’émergence d’autres usages. Certains éphémères comme les 4 400 terrasses estivales qui jaillissent chaque été, d’autres pérennes comme la création de plus de 220 rues aux écoles devenues des rues piétonnes et des rues jardins ou l’ouverture au public de 150 hectares d’espaces verts en 20 ans contribuant au développement de la biodiversité en ville.
Enfin, l’atlas révèle l’invisible pour donner à lire ce qui permet à la ville de vivre. Il révèle l’entrelacement des réseaux d’eau potable ou non, d’assainissement, d’ouvrages d’alimentation énergétique ou de transport. Il cartographie les flux de ce sous-sol nourricier : 3900 tonnes de nourriture nécessaire pour alimenter Paris chaque jour, l’utilisation de 180 millions de mètres cubes d’eau potable produits par an, les 2,5 millions d’eau traités quotidiennement à l’échelle métropolitaine, l’inégalité des consommations énergétiques ou 1,04 million de tonnes de déchets ménagers qu’il faut collecter chaque année. Leurs représentations dessinent d’autres géographies tout aussi indispensables à la compréhension de la ville actuelle.
Si, depuis plus d’un siècle Paris se donne facilement au regard des touristes, des artistes, des photographes et des habitants, au moment d’accueillir de grandes manifestations, c’est en cartes que la ville se comprend hier comme aujourd’hui. Alors que Paris accueille les Jeux Olympiques et Paralympiques, l’ambition de « Paris Atlas 2024 » est tant de permettre aux Parisiens de mieux se connaître que de se présenter au monde.
L'Atlas est également disponible en langue anglaise.
Ce livre est disponible à la vente au tarif de 24 € TTC via le réseau des librairies (Pavillon de l'Arsenal, Volume, librairie de l'expo "Paris!" de l'hôtel de ville, ...). Éditions Apur, juillet 2024 |