La base de données des démolitions, nouvellement créée de l’Apur, a permis d’identifier près de 16 millions de tonnes de déchets du BTP d’ici 2030 issus des opérations d’aménagement. En lien avec le CSTB, ces flux à venir ont pu être qualifiés selon 8 types de déchets et représentent plus de 11 millions de tonnes de matériaux.

Grâce à l’exploitation de la Base de Données Démolition nouvellement créée, cette note a vocation à fournir des éléments quantitatifs et qualitatifs sur les surfaces qui seront démolies dans les chantiers du BTP à horizon 2030, ainsi qu’à documenter les volumes de déchets générés. Pour la première fois et en lien avec le CSTB et l'Ademe, l’Apur détaille ces matériaux en distinguant 8 catégories : béton et pierre, plâtre, bois, métaux, céramique, tuiles, fenêtres et isolants.
Cette note fait suite aux études publiées préalablement par l’Apur, sur les chantiers du Nord-Est du Grand Paris dans un premier temps, puis sur l’évolution des besoins en matériaux dans un second temps. Ces travaux s’appuient sur l’exploitation d’une base de données nouvelle : la BD Démolition.
Afin de mettre en place des filières d’économie circulaire dans les chantiers à venir de la Métropole du Grand Paris, il convient avant tout de réaliser des estimations quantitatives et qualitatives des démolitions sur la période 2022-2030 dans les opérations d’aménagements. Les objectifs de cette note s’inscrivent dans cette optique et s’articulent en deux axes :
- mettre en regard les m² à construire avec les m² à démolir et à réhabiliter dans la Métropole et par territoire ;
- estimer les volumes de matériaux disponibles à horizon 2030 afin d’entamer les synergies possibles par filière au sein des opérations d’aménagement.
Ces éléments permettront de faire le lien avec l’étude sur les filières et d’identifier les plateformes capables de transformer les gisements lorsque des synergies ne sont pas possibles.
Enjeu de la création de la BD Démolition
La présente note participe à la construction d’une gestion des déchets du BTP en circuit court. La mise en œuvre de cette gestion demande une synergie entre « disponibilité foncière », transformation des déchets et besoin en espace de stockage.
Historique de la BD Démolition
L’Apur a créé en 2020, une base de données « Démolition » inédite qui s’appuie sur sa base de données Projets²
- localiser les mutations du bâti existant dans les secteurs d’opérations d’aménagement ;
- estimer un ordre de grandeur des volumes de déchets et pouvoir les qualifier ;
- identifier les grands foyers de production de déchets ;
- évaluer les flux de gisements potentiels afin de les orienter vers les différentes filières de réemploi et de réutilisation ainsi qu’anticiper sur la capacité des installations de transit, de massification, de tri et de recyclage existantes ou à mettre en place.
Ainsi, à l’horizon 2030, les démolitions et réhabilitations déjà prévues des opérations d’aménagement dans la Métropole du Grand Paris produiront plus de 18 millions de tonnes de déchets, dont 7,7 millions d’ici 2024³
Une répartition géographique des chantiers inégale
L’estimation de la surface à construire au regard de celle à démolir et à réhabiliter à l’échelle territoriale et métropolitaine est la première étape pour envisager des synergies en fonction des besoins en matériaux pour la construction neuve et des types de gisements déjà disponibles sur les sites. Permettre la transformation des déchets en ressources au plus près des besoins, et éviter ainsi leur transport (souvent effectué par la route et pouvant entraîner leur saturation), présente des intérêts environnementaux, sanitaires, et économiques.
La carte ci-après donne à voir une répartition inégale des démolitions à venir sur le territoire métropolitain, étant donné que les opérations d’aménagement sont principalement concentrées sur certains EPT (Plaine Commune, Est Ensemble et Grand Orly Seine Bièvre) ou autour de certains pôles : la Défense, l’Aéroport Roissy - Charles de Gaulle ou encore la ZAC de Bercy - Charenton-le-Pont.
À l’inverse, certains territoires, notamment Grand Paris Seine Ouest ou Grand Paris Sud Est Avenir, ne seront pas le théâtre des grands aménagements dans les années à venir. Ils sont en effet relativement peu concernés par le Grand Paris Express, les aménagements en lien avec les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ou encore les importants plans de rénovation énergétique des bâtiments existants.
Construction et démolition dans les opérations d’aménagement documentées (2021-2030)
La mise à jour de la BD Projets en 2020 a enregistré la programmation de près de 27,5 millions de m² à construire à horizon 2030, répartis dans 579 opérations d’aménagement (ZAC, PRU ou autres secteur). Selon les types de procédures, un secteur est en cours s’il répond aux critères suivants :
- ZAC créée : dossier de réalisation ;
- PRU : approbation de l’ANRU au Comité d’évaluation ;
- autres projets : au cas par cas (en général à partir du dépôt du permis de construire).
Lorsqu’un projet ne remplit pas ces conditions, il est considéré comme étant encore à l’étude.
L’ensemble de ces opérations d’aménagement (en cours et à l’étude) génère la démolition de 9,46 millions de m² de planchers et la réhabilitation de 5,04 millions de m² sur la période 2021-2030, soit un total de 14,5 millions de m² d’après la BD Démolition. La transformation de ces surfaces bâties produirait 16,6 millions de tonnes de déchets, tous confondus.
Les plus fortes densités de démolitions identifiées se concentrent au sud-est de Paris le long de la Seine amont sur près de 9 km, dans le secteur des Jeux Olympiques et Paralympiques autour du nord de Paris, dans le secteur de l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle. Une partie d’entre elles ont déjà eu lieu, pour les opérations à court terme (d’ici 2-3 ans).
Les surfaces de construction par EPT présentées sur cette carte ci-après (figure 2) correspondent aux données de la BD Projets à date de décembre 2021. Il s’agit du total de m² programmés pour 426 opérations d’aménagement sur la période 2021-2030. La réalisation de ces surfaces passe par la démolition de 9,46 millions de m² existants, selon l’estimation de la BD Démolition.
Quelle quantité de déchets générée ?
Si les coefficients Ademe et CERC permettent d’avoir une estimation du volume de déchets généré par les démolitions et réhabilitations des grandes opérations d’aménagement dans la MGP, il s’agit d’avoir une analyse plus fine en termes de filière de déchet. Afin de proposer des données plus fines concernant les gisements de déchets, l’Apur a réalisé un partenariat avec le CSTB qui a développé un outil de modélisation des flux de matériaux dans le BTP pour le croiser avec les données issues de la BD Démolition.
L’OUTIL DE MODELISATION DES FLUX DE MATERIAUX DANS LE BTP DEVELOPPE PAR LE CSTB Le CSTB développe, au travers de sa feuille de route, un modèle de flux de matières (BTPFlux) liés à la construction, la déconstruction et la rénovation des bâtiments. Son objectif est de modéliser les flux de matières, entrants et sortants, sur des échelles allant de l’opération d’aménagement à la planification territoriale, afin d’anticiper les besoins et de planifier le plus en amont possible une gestion optimale des ressources. Il est basé sur une modélisation fine du parc de bâtiments, neufs ou existants, en vue de matérialiser au plus près les flux à venir et les impacts (matière, environnementaux, économiques) associés.
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Méthode de croisement des données
Le croisement entre la BD Démolition de l’Apur, identifiant les bâtiments allant être démolis ou réhabilités pour un horizon de projet, et l’outil BTPFlux du CSTB, déterminant les volumes disponibles de ces huit catégories de matériaux présents dans ces bâtis, permet d’obtenir une cartographie des quantités de ressources issues des chantiers mobilisables, et ce, pour des échéances de projet données.
Plus de 60% des 7 857 bâtiments identifiés par la BD Démolition ont pu être traités par l’outil BTPFlux. Cette part est suffisamment importante pour estimer les ordres de grandeur des flux des différents matériaux. Les flux issus de la démolition sont traités à part de ceux issus de réhabilitation. En l’absence d’information sur le niveau de réhabilitation des projets (important ou mineur), le croisement s’appuie sur l’hypothèse que tout projet de réhabilitation est considéré comme étant de la rénovation thermique ; l’interprétation des résultats tient compte de cette hypothèse qui a un impact important sur les Produits Équipements Matériaux et Déchets issus des façades. Il convient également d’ajouter un point de vigilance méthodologique : si les 60% des bâtiments traités donnent une première estimation, il ne faut pas pour autant appliquer le même coefficient sur les 40% restant à intégrer puisque la morphologie de ces bâtiments peut fortement varier.
Pour certaines opérations d’aménagement, le croisement n’a pas pu être réalisé, une mise à jour avec le CSTB est prévue au deuxième semestre 2022. Ainsi, la part des m² à démolir ou à réhabiliter ayant été prise en compte par territoire se répartit de la manière définie dans le tableau 2. Le fait que la totalité de la surface n’ait pas été traitée affecte peu les tendances, les flux de déchets générés restent dans les mêmes ordres de grandeur.
Le fait que la totalité de la surface n’ait pas été traitée affecte peu les tendances, les flux de déchets générés restent dans les mêmes ordres de grandeur, mais il est raisonnable de penser que les volumes de déchets des EPT 4⁵
La répartition de la production estimée de déchets sur le territoire métropolitain est relativement similaire à celle des grands projets d’aménagement puisqu’en milieu urbain dense, ces derniers impliquent généralement la démolition ou réhabilitation de bâtiments (figure 4). En effet, la production de déchets est concentrée en Seine-Saint-Denis (Plaine Commune (15%), Paris Terres d’Envol (14%), Est Ensemble (13%), Ville de Paris (10%) et surtout sur le territoire de Grand Orly Seine Bièvre (35%).
On peut toutefois noter certains écarts entre la surface démolie et le volume de déchets généré pour des territoires, qui s’expliquent par le type d’ouvrage démoli. Par exemple, l’EPT 12 est le territoire qui prévoit de démolir le plus de surface, il est également celui qui prévoit de produire le plus de déchets, mais de manière bien supérieure : la démolition de la ZAC d’Ivry Confluences, ainsi que de la ZAC Gare des Ardoines de Vitry-sur-Seine explique entre autres ce décalage. À l’inverse, l’EPT de Paris Ouest La Défense a une importante surface à construire mais un volume de déchets relativement faible car il y a davantage de réhabilitations que de démolitions sur ce territoire. De plus, certaines des ZAC en construction sur ce territoire se font sur des terrains sur lesquels il n’y avait jusqu’alors peu de construction, ce qui n’implique aucune démolition.
Le béton et la pierre, principale filière concernée
Le béton et la pierre⁶
Les communes étudiées par le CSTB sont celles qui sont concernées par des démolitions dans le cadre d’opérations d’aménagement⁷
Les autres filières de déchets
Après le béton et la pierre, les principales filières de déchets sur les chantiers métropolitains à horizon 2030 sont les céramiques, le plâtre, les fenêtres, les tuiles, et le bois. Les isolants et métaux représentent un volume moindre mais demeurent importants (figure 7).
Les céramiques sont le premier gisement de déchets après le béton et de la pierre, et représentent 34% du volume de déchets produits par les démolitions et réhabilitations à horizon 2030, et les plâtres représentent en 30%. Il n’est cependant pas à exclure que ces volumes soient légèrement surestimés, comme ils sont à la fois dans les scénarios de réhabilitation et de démolition.
Les fenêtres représentent le 4e gisement de déchets le plus important sur le territoire de la Métropole du Grand Paris. Si le réemploi est particulièrement rare, car son rendement est peu intéressant à cause de la manipulation du verre, la principale valorisation du verre plat est le recyclage en calcin d’autant plus qu’il est recyclable à l’infini. Or, la filière du recyclage du verre n’est à ce jour pas encore mature, en particulier à l’échelle de la Métropole : il n’existe qu’une plateforme de recyclage du verre est dans la Métropole, à Bonneuil-sur-Marne.
Le bois, dont la filière de recyclage et de réemploi se développe et se structure de plus en plus à l’échelle de la MGP, représente 7% des déchets (hors béton et pierre).
Les tuiles, isolants et métaux représentent le reste des déchets issus des démolitions et réhabilitations. Il convient de préciser que la filière de recyclage des métaux est particulièrement mature dans la MGP.
Conclusion
L’utilisation de la BD Démolition de l’Apur par l’outil BTPFlux du CSTB a permis de renseigner des grandes tendances sur le flux de déchets par filière dans le Grand Paris, et de confirmer les premières estimations réalisées à l’aide du coefficient de l’Ademe. Afin d’affiner ces analyses, et d’être en mesure de proposer des plans d’action à l’échelon d’un EPT, d’une commune voire d’un site d’aménagement, l’Apur, l'Ademe et le CSTB vont poursuivre ce travail dans les mois à venir. À l’aide d’un identifiant unique par bâtiment, le traitement des données sera affiné, ce qui permettra de quantifier les déchets générés par l’ensemble des démolitions et des réhabilitations à la maille du bâtiment et d’effectuer le calcul sur une plus grande part des bâtiments démolis ou réhabilités.
L’Apur, dans le cadre de son programme de travail partenarial et en lien avec l’Ademe, la Ville de Paris et la MGP prévoit de réaliser une étude à partir de la BD Démolition pour estimer les flux à venir dans les opérations d’aménagement (entrant et sortant), au regard des filières existantes, des capacités de production en matériaux de construction et en lien avec les maillages existant des plateformes de recyclage. Cette nouvelle étude pourrait intégrer plusieurs secteurs test démonstrateurs comme Paris Nord Est élargi, Paris la Défense voire un secteur dans le territoire Grand Orly Seine Bièvre. Enfin, la base de données démolition pourrait également être élargie au renouvellement en secteur diffus afin d’avoir une vision plus complète des filières d’économie circulaire dans le bâtiment.