Une hausse des décès de 20% en Ile-de-France en 2020

En 2020, l’Île-de-France est la région de France métropolitaine la plus touchée par le surcroît de mortalité. Concentré sur deux périodes, cet excès de mortalité a été particulièrement fort au printemps, et plus contenu à l’automne.

Une hausse des décès de 20% en Ile-de-France en 2020 © shutterstock / cryptographer

90 500 Franciliens décédés en 2020, soit une hausse de 15 250 par rapport au nombre moyen annuel de décès entre 2015 et 2019

La crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus a été particulièrement meurtrière en France en 2020.  Cette analyse des décès inscrits au registre de l’état civil, réalisée par l'Insee et l'Apur,  met en exergue un surcroît de décès, par rapport aux années précédentes. Ce résultat ne peut pas être imputé uniquement à la Covid-19. D’autres facteurs, comme le vieillissement de la population, la restriction de l’accès aux soins ou, à l’inverse, la baisse des accidents de la route et de l’exposition aux risques professionnels pendant le confinement, entrent également en ligne de compte dans l’analyse globale de la mortalité.

Les territoires les plus touchés sont souvent concernés par une pauvreté importante et plus souvent lieu de résidence de « travailleurs-clés », plus exposés par la nature de leurs fonctions au virus de la Covid-19. Bien que l’excès de mortalité ait particulièrement touché les personnes les plus âgées, les personnes de 25 à 64 ans ont également été concernées lors de la première vague.

L’Île-de-France, région de France métropolitaine la plus touchée par la hausse des décès en 2020

En 2020, 90 500 Franciliens sont décédés, soit une hausse de 20% par rapport au nombre moyen annuel de décès entre 2015 et 2019, l’augmentation est du même ordre de grandeur dans la Métropole du Grand Paris (MGP). Cette hausse de la mortalité positionne l’Île-de-France en première place des régions de France métropolitaine, devant l’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 17%) et le Grand Est (+ 15%).

L’analyse du taux de mortalité confirme ce surcroît de décès. En Île-de-France, il est de 7,4‰ sur l’ensemble de l’année 2020. Ce taux est supérieur à celui atteint en 2003 (6,9‰), année de la canicule où un pic de décès avait été observé pendant l’été (de 2004 à 2019, le taux de mortalité oscillait autour de 6‰).

La hausse de la mortalité a été conséquente en Île-de-France pendant les deux périodes liées à la crise sanitaire : la première du 12 mars au 20 mai et la seconde du 8 octobre au 16 décembre 2020. Hormis ces périodes, il n’y a globalement pas eu de surcroît de mortalité dans la région par rapport aux années précédentes (figure 1).

Figure 1 : nombre de décès journaliers en Ile-de-France, en moyenne de 2015 à 2010 et en 2020  © Apur

 

Un fort accroissement des décès polarisé au sein et autour de la Seine-Saint-Denis, et sur l’axe Seine

Au sein de l’Île-de-France, la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise ont été les plus concernés par le surcroît de mortalité, avec respectivement 25% et 24% de décès supplémentaires par rapport à la moyenne 2015-2019. L’augmentation a été particulièrement élevée dans de nombreuses grandes communes situées aux franges de ces départements, telles que Bobigny, Goussainville (+ 42%), Gonesse, Sarcelles et Stains (+ 41%) (figure 2). Le long de la Seine, de plus petites communes ont également connu une forte hausse de la mortalité, comme Villetaneuse (+ 53%), L’Ile-Saint-Denis (+ 36%) ou Pierrefitte-sur-Seine (+ 34%).

 

Figure 2 : évolution annuelle de la mortalité entre la moyenne 2015-2019 et 2020, par commune (et arrondissement pour Paris) © Apur

L’Essonne, les Yvelines et le Val-de-Marne ont été globalement moins fortement touchés. Toutefois, de nombreuses communes autour de l’axe Seine ont connu de fortes hausses. Au nord de l’Essonne, il s’agit notamment de Fleury-Mérogis (+ 71%), Yerres (+ 43%), Grigny (+ 41%), Évry-Courcouronnes (+ 37%) et Vigneux-sur-Seine (+ 36%). Au nord des Yvelines, il s’agit de Carrières-sous-Poissy (+ 46%), Les Mureaux (+ 42%), Chanteloup-les-Vignes (+ 40%) ou Conflans-Sainte-Honorine (+ 38%). Par ailleurs, de nombreuses communes à l’ouest de Versailles ont également connu un fort accroissement des décès, comme Montigny-le-Bretonneux (+ 51%), Bois-d’Arcy (+ 38%) ou Trappes (+ 36%). La hausse est également importante dans quelques communes du Val-de-Marne, notamment au Kremlin-Bicêtre (+ 46%) ou à Bry-sur-Marne (+ 41%).

Globalement, les communes franciliennes avec un important surcroît de décès abritent des populations plutôt précaires. La pauvreté est élevée dans la plupart de ces territoires et les populations en situation de pauvreté sont plus à risque de développer des formes graves de la maladie. Ces populations vivent également plus souvent dans des logements suroccupés, favorisant les contacts rapprochés propices à la diffusion du virus.

S’agissant des autres communes où la pauvreté est moins répandue comme à Carrières-sous-Poissy, Conflans-Sainte-Honorine, Yerres et Vigneux-sur-Seine, la part des employés et ouvriers est souvent plus importante, ces personnes sont moins enclines à télétravailler et sont donc plus exposées au risque sanitaire. Enfin, ce surcroît de décès peut aussi s’expliquer par une offre d’établissements pour personnes âgées dépendantes particulièrement développée au regard du reste du territoire comme à Montigny-le-Bretonneux, au Kremlin-Bicêtre et à Bry-Sur-Marne.

Une hausse plus modérée à Paris, dans les Hauts-de-Seine et en Seine-et-Marne

Paris est le territoire d’Île-de-France où la hausse des décès a été la plus contenue (+ 17%). Seul le 19e arrondissement jouxtant la Seine-Saint-Denis, a connu un excès de décès important (+ 30%). Les 2e, 3e et 8e arrondissements n’ont quant à eux pas connu d’excédent de mortalité. Dans les Hauts-de-Seine et en Seine-et-Marne, l’augmentation de mortalité est également restée contenue, au niveau parisien.

Dans les Hauts-de-Seine et à Paris, le niveau de vie médian est souvent élevé, malgré des disparités importantes selon les arrondissements ou communes. Par ailleurs, la part de travailleurs-clés qui y résident est plus limitée et beaucoup d’actifs ont pu télétravailler, parfois même loin de chez eux, comme en témoignent les départs observés lors du premier confinement. Par ailleurs, dans ces territoires, l’offre médicale et hospitalière est particulièrement importante. En Seine-et-Marne, la densité de population est plutôt faible par rapport au reste de la région (237 habitants au km² contre 1 022 pour la région), ce qui a pu limiter la propagation du virus, au moins en 2020.

Une première vague fortement meurtrière en Île-de-France

Lors de la première vague de l’épidémie (du 12 mars au 20 mai), le nombre de décès a fortement progressé dans la région : 26 000 Franciliens sont décédés en 2020 contre 14 100 en moyenne sur la même période entre 2015 et 2019, soit une hausse de 85%. L’Île-de-France est la région où ce surcroît est le plus élevé devant la région Grand Est (+ 51%, contre + 25% en France métropolitaine). Au sein de la région, la MGP a été particulièrement concernée (+ 92%), notamment dans les territoires du nord-est et dans le Val-de-Marne, avec des excès de mortalité allant de + 104 % dans l’EPT Grand Paris Sud Est Avenir à + 140% dans l’EPT Plaine Commune (figure 3). À Paris, l’accroissement du nombre de personnes décédées a été globalement comparable à la moyenne régionale mais de fortes disparités s’observent entre arrondissements. Les plus forts excédents concernent les 19e, 13e, 12e et 10e arrondissements où le nombre de décès a plus que doublé pendant cette première vague. En dehors de la MGP, ce sont les communautés d’agglomération (CA) de Roissy Pays de France, de Plaine Vallée, de Val d’Yerres Val de Seine et de Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart qui ont été les plus touchées pendant la première vague.

Figure 3 : évolution annuelle de la mortalité entre la moyenne 2015-2019 et 2020 (en %) © Apur

Un surcroît de décès nettement moindre durant la seconde vague, surtout dans la MGP

Du 8 octobre au 16 décembre, l’Île-de-France, comme la région Grand Est, a été relativement épargnée par rapport à l’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 63%), la Provence Alpes Côte d’Azur (+ 34%) ou la Bourgogne Franche-Comté (+ 34%). Elle a enregistré 3 100 décès de plus par rapport aux cinq années antérieures (2015-2019), soit à une augmentation de 21%.

L’excédent de décès a atteint partout des niveaux beaucoup moins importants que ceux observés lors de la première vague, notamment à Paris où il est de seulement 11% par rapport à la même période en moyenne de 2015 à 2019. Globalement, l’excès des décès au cours de la seconde période est plus diffus et concerne des territoires souvent différents de ceux qui avaient été plus touchés lors de la première vague.

Lors de ce second épisode, certains territoires comme les EPT Paris Terres d’Envol et Est Ensemble en Seine-Saint-Denis ainsi que l’EPT Grand-Orly Seine Bièvre dans le Val-de-Marne, ont enregistré en proportion plus de décès que l’Île-de-France en moyenne. Il en est de même pour la communauté d’agglomération Roissy-Pays-de-France dans le Val-d’Oise, pour le nord des Hauts-de-Seine, le long de l’axe Seine autour de Mantes-la-Ville et des Mureaux dans les Yvelines, le nord de l’Essonne et dans l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart. En Seine-et-Marne, certains EPCI ont été davantage touchés durant la seconde période que durant la première, comme les communautés de communes Val Briard, Coulommiers Pays de Brie ou Val d’Europe Agglomération.

Contrairement à la première vague, la seconde a été plus progressive. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour expliquer ce moindre surcroît de mortalité en Île-de-France : une possible immunité acquise par ceux déjà touchés lors de la première vague, une distanciation physique et des dépistages plus fréquents que lors de la première vague, ou encore une amélioration de la prise en charge des malades du fait d’une meilleure connaissance de la maladie.

Figure 4 : décès en 2020 et en moyenne annuelle sur les années 2015 à 2019, par territoire et par période © Apur

Des décès plus nombreux chez les plus âgés lors des deux périodes

L’excès de mortalité s’observe en Île-de-France comme partout en France surtout parmi les personnes âgées de 65 ans ou plus : + 96% (soit 10 800 personnes de plus) lors de la première vague et + 25% (soit + 3 000 personnes) lors de la seconde. Lors de la première vague, ce surcroît était plus fort pour les personnes de 85 ans ou plus (+ 107%). Durant la seconde vague, ce n’est plus le cas puisque les personnes âgées de 65 à 84 ans ont été les plus touchées.

Les personnes de moins de 65 ans ont, quant à elles, été épargnées lors de la seconde vague (figure 5). Au printemps, le nombre de décès avait progressé de + 30% pour les Franciliens âgés de 25 à 44 ans (530 décès contre 400 en moyenne sur la période 2015-2019) et de 48% pour ceux de 45 à 64 ans (respectivement 3 180 décès contre 2 140). Les jeunes de moins de 25 ans ont en revanche connu un léger déficit de mortalité pendant les deux périodes, probablement en lien avec le confinement qui a limité les comportements à risques. Ces constats s’observent aussi à l’échelle de la MGP.

Lors des deux vagues, le surcroît de mortalité a davantage concerné les hommes que les femmes. Cet écart pourrait venir de comorbidités plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes (hypertension, diabète).

Figure 5 : évolution du nombre de décès domiciliés par âge et par période entre la période de référence (moyenne 2015-2019) et 2020 © Apur

Une très forte augmentation des décès survenus en maison de retraite lors de la première vague

Même si la majorité des décès enregistrés pendant la première vague ont eu lieu dans un hôpital ou dans une clinique (54%), ce sont les décès survenus en maison de retraite qui ont relativement le plus augmenté. Ils ont triplé par rapport à la même période entre 2015 et 2019 (+ 195%) contre + 62% pour les décès à l’hôpital ou en clinique. Les décès à domicile ont également fortement progressé (+ 98%).

Lors de la seconde vague, le nombre de décès en Île-de-France a augmenté dans les mêmes proportions quel que soit le lieu (domicile, hôpital etc.). Dans la MGP, le surplus de décès dans les maisons de retraite s’est nettement réduit en passant de + 223% au printemps à + 14% à l’automne.

Quelles tendances au début de l’année 2021 ? Si à l’échelle nationale, le nombre de décès enregistrés entre le 1er janvier et le 15 février 2021 est supérieur à celui observé sur la même période en 2019, l’Île-de-France est à ce stade l’une des trois régions où celui-ci reste inférieur (- 1%) avec la Corse (- 9%) et la Bretagne (- 3%). Néanmoins, la forte progression des hospitalisations au mois de mars pourrait entraîner une nouvelle hausse du nombre de décès.

 

 

Définitions

Le taux de mortalité correspond au nombre de décès, rapporté à la population moyenne de l’année (ratio pour 1 000 habitants)

Le taux de pauvreté correspond à la part d’individus dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En 2018, le seuil de pauvreté est de 1 063€ par mois pour une personne seule.

Les travailleurs clés : l’Observatoire régional de santé Île-de-France retient parmi les « travailleurs-clés » les personnels de santé, les aides-soignants, les pharmaciens, les ambulanciers, les personnels de la Poste, des forces de l’ordre, des transports publics, les pompiers, les personnes travaillant dans la vente de produits alimentaires, les livreurs, les buralistes et les agents de nettoyage, professions en contact avec le public et qui ont souvent continué à travailler sur site pendant la période de confinement.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des regroupements de communes ayant pour objet l’élaboration de « projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ». Les communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes, syndicats d’agglomération nouvelle, syndicats de communes et syndicats mixtes sont des EPCI. La Métropole du Grand Paris (MGP) est composée de Paris et de 11 établissements publics territoriaux (EPT).

 

Pour comprendre

Le surcroît de mortalité (ou excédent des décès) à une période donnée correspond au rapport du nombre de décès sur la période donnée en 2020 rapporté à la moyenne du nombre de décès sur la même période des années 2015 à 2019. La comparaison sur une moyenne quinquennale permet d’avoir des résultats robustes sur des périodes courtes (comme des quinzaines), ou sur des niveaux géographiques fins. Il permet notamment de s’affranchir d’années particulières où la grippe a été particulièrement virulente par exemple. Toutefois, la population la plus à risque de décéder est plus importante en 2020 qu’en 2015. Comparé uniquement à l’année 2019, le surcroît de mortalité en Île-de-France est de 19%, soit inférieur d’un point.

L’année 2020 a été découpée en 26 quinzaines (deux semaines consécutives). Les vagues correspondent dans l’étude aux quinzaines de l’année où l’on observe un surcroît de mortalité significatif en Île-de-France. La première vague correspond donc à la période du 6 mars au 20 mai, tandis que la deuxième vague correspond à la période du 8 octobre au 16 décembre.

 

 

Source

Cette étude utilise les données de décès enregistrés dans les statistiques d’état civil. Les statistiques diffusées sont provisoires pour l’année 2020. Elles sont issues du fichier en date du 4 février 2021. Les décès sont comptabilisés dans la commune de résidence du défunt. L’information sur le lieu de décès est déclarative et sa qualité dépend du degré de connaissance du déclarant sur les circonstances du décès ainsi que de sa capacité et de celle de l’officier d’état civil à choisir la modalité appropriée. Elle ne fait l’objet d’aucune vérification ou correction par l’Insee.

 

Pour en savoir plus

  • Bayardin V., Jabot D., « L’Île-de-France en 2020 : une hausse des décès inédite, une baisse des naissances qui s'accentue », Insee Flash Île-de-France n° 56, avril 2021.
  • Le Minez S., Roux V., « 2020 : une hausse des décès inédite depuis 70 ans », Insee Première n° 1847, mars 2021.
  • Faucon F., Gremy I., Pancarte K., Sarron C., Saunal A., Telle-Lamberton M., « 765 000 travailleurs-clés franciliens répondent aux besoins fondamentaux de la population », Insee Analyses Île-de-France n° 128, février 2021.
  • Bouzemarene M., Wolf M., « Mars — juillet 2020, Paris face à la crise de la Covid-19 — Premiers éléments d’analyse », Apur, Étude, décembre 2020.
  • Allard T., Bayardin V., Mosny E., « L’Île-de-France, région la plus touchée par le surcroît de mortalité en 2020 », Insee Analyses Île-de-France n° 118, juin 2020.
  • Roger S., « Évolution des décès journaliers dans le Grand Paris — Comparaison 2019-2020 », Apur, Note n° 176, mai 2020.
Infographie – Une hausse des décès de 20% en Ile-de-France en 2020 © Apur

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