Quel impact de la crise de la Covid-19 sur les locations meublées touristiques à Paris?

Depuis mars 2020, l’activité d’Airbnb, principale plateforme de locations meublées touristiques à Paris, a chuté. Cette baisse momentanée, liée à la crise sanitaire, ne se traduit pas par une diminution équivalente du nombre d’annonces. La crise semble avoir accéléré la dynamique de concentration et de professionnalisation du secteur, au moment où se lisent aussi les effets de l’application de la réglementation.

© istockphoto – Adene Sanchez

Depuis février 2020, la crise sanitaire et économique mondiale liée à la Covid-19 et les restrictions qui l’accompagnent bouleversent l’activité économique. Fortement lié aux flux touristiques et aux déplacements d’affaire, le secteur de la location meublée touristique a été très affecté. Cette note propose une analyse synthétique des impacts de la crise sur l’activité de la principale plateforme à Paris : Airbnb. Ce document actualise les données présentées dans une note plus détaillée parue en septembre 2020, qui décrivait le parc parisien de locations meublées touristiques disponibles sur la plateforme Airbnb, et apportait des éléments de comparaison avec sept autres grandes villes (Lyon, Bordeaux, Amsterdam, Barcelone, Berlin, Londres et New York).

En 2020, plus de 200 plateformes proposaient des locations meublées touristiques à Paris, un phénomène qui a explosé depuis le milieu des années 2010. Dans le contexte d’un marché immobilier parisien déjà extrêmement tendu, les conséquences négatives d’une forte croissance de ces locations ont été démontrées, comme la hausse des prix de l’immobilier et la raréfaction de l’offre de logements¹. En 2018, un rapport du Sénat estimait ainsi qu’environ 20 000 appartements parisiens étaient détournés du marché traditionnel pour être loués sur des plateformes de location de courte durée. Ces impacts expliquent la régulation du secteur par les pouvoirs publics, qui imposent notamment une limite maximale de 120 jours de location par an pour un logement.

Un retour vers les locations de longue durée ?

Dans ce cadre, la crise sanitaire et les restrictions de déplacements qui l’ont accompagné ont pu être vues comme une opportunité pour que les meublés de tourisme reviennent vers la location « classique ». Plusieurs articles de presse ont présenté la situation de loueurs ayant contracté un prêt, et qui, faute de clients, ont été forcés de remettre leur bien sur le marché de la location de longue durée. Les acteurs de ce marché rapportent ainsi que le nombre d’annonces de locations meublées a augmenté en 2020 et 2021 par rapport à 2019, une hausse en partie interprétée comme résultant du transfert de certaines locations touristiques vers la location classique. D’autres travaux semblent corroborer cette thèse : à Bordeaux, le géographe Victor Piganiol a interrogé 300 propriétaires de plusieurs logements loués sur Airbnb entre avril 2020 et janvier 2021. Parmi eux, 8 % ont déclaré qu’ils allaient vendre au moins une partie de leurs logements et 23 % ont décidé de basculer au moins une partie de leurs logements sur le marché locatif classique.

À Paris, les données présentées dans la note font ressortir plusieurs résultats. D’abord, comme pour l’ensemble du secteur hôtelier, l’activité d’Airbnb a été fortement réduite du fait des confinements et restrictions mis en place. Cependant, cette baisse temporaire est à relativiser car le nombre d’annonces en ligne ne montre pas de diminution marquée, ce qui laisse penser que les acteurs ont anticipé une reprise prochaine de l’activité et semble infirmer l’hypothèse d’un transfert massif et durable vers le marché de la location longue durée. En cela, Paris se distingue des autres villes analysées, dans lesquelles le nombre d’annonces connaît une diminution notable. En outre, on note à Paris un effet visible d’une étape de la mise en œuvre de la réglementation en juillet 2021 : les annonces qui ne disposent pas de numéro d’enregistrement ne peuvent plus bénéficier de nouvelles réservations. Suite à ce changement, de nombreuses annonces sans numéro d’enregistrement ont été retirées du site par leurs loueurs.

La méthode utilisée

Faute de données publiques disponibles à une échelle fine, l’analyse présentée ici s’appuie, comme la note précédente parue en 2020, sur les bases de données du site InsideAirbnb. Celui-ci met à disposition les données extraites du site de réservation Airbnb (par « scraping »), qui constitue l’acteur dominant du marché des locations meublées touristiques (76 % des annonces à Paris). L’utilisation de la même source de données permet des comparaisons entre les chiffres de février 2020, présentées dans la note précédente, et ceux de février 2021, après un an de crise liée à la Covid-19 et à un moment où les déplacements étaient encore fortement contraints. En février 2021, après un deuxième confinement levé à la mi-décembre, un couvre-feu national est en place à partir de 18h tandis que les voyages en provenance ou à destination d’un pays hors Union Européenne sont interdits sauf motif impérieux.


Une forte baisse des locations à Paris, qui reflète le calendrier des restrictions sanitaires

Les variations de l’activité approchées à partir du nombre de commentaires

Les données confirment la forte diminution du nombre de locations effectives sur Airbnb à Paris (indépendamment du nombre d’annonces proposées), évolution attendue du fait de la limitation des déplacements durant la crise sanitaire. Le nombre de jours de location effectifs ne fait pas partie des données qu’il est possible de récupérer directement sur le site d’Airbnb. Cependant, le nombre de commentaires laissés sur le site chaque mois permet d’analyser indirectement les variations d’activité des locations meublées. En effet, après un séjour réservé via Airbnb, un locataire dispose de 14 jours pour laisser un commentaire sur l’annonce du logement qu’il a loué. Ainsi, en février 2021, à Paris, seuls 10 030 commentaires avaient été laissés sur les annonces du site Airbnb, contre 36 877 pour le mois de février 2020. Ce nombre a été divisé par plus de 3,5 en un an (- 73 %).

Évolution du nombre de commentaires laissés chaque mois sur Airbnb à Paris - Source : InsideAirbnb, Jeanne Richon.

 

Évolution du taux d’occupation hôtelière à Paris - Source : OTCP - Données mises à jour le 04/10/2021

 

 

Une autre manière d’appréhender l’impact de la crise est de comparer le nombre total de commentaires laissés sur une année sur les annonces parisiennes : en février 2020, plus de 458 000 commentaires avaient été laissés durant les 12 derniers mois (entre février 2019 et février 2020) et 37 756 annonces avaient reçu au moins un commentaire (soit 58 % des annonces). Un an plus tard, en février 2021, 106 000 commentaires avaient été laissés durant les 12 mois précédents (entre février 2020 et février 2021) et seules 19 541 annonces avaient reçu au moins un commentaire (soit 31 % des annonces). En résumé, moins de logements ont été loués sur Airbnb, et les logements loués l’ont été moins souvent. Il faut cependant noter que baisse du nombre de commentaires et baisse de l’activité ne sont pas synonymes, notamment du fait de l’évolution de la durée moyenne des séjours sur Airbnb. En temps de pandémie, les locations meublées touristiques sont utilisées pour de plus longues durées (voir zone griséé plus bas). La baisse d’activité est ainsi peut-être moins importante que le nombre de commentaires le suggère.

Une activité qui n’a pas retrouvé son niveau habituel depuis le début de la crise

Dans le détail, on constate une chute d’activité en mars et plus encore en avril 2020 (seulement 1 366 commentaires), au moment de la mise en place du premier confinement. Après cette date, on peut observer des variations en fonction de l’évolution des restrictions, mais malgré ces légères fluctuations, le nombre de commentaires reste à un niveau particulièrement bas par rapport à l’année 2019. Cela s’explique par la continuité des restrictions imposées en France (confinement, couvre-feu, obligation du pass sanitaire) et la permanence de la crise sanitaire à l’échelle mondiale (effondrement du tourisme international).Quelques variations sont cependant observables. Ainsi, le nombre de commentaires diminue lorsque les restrictions se renforcent : on peut constater l’impact des deuxième et troisième confinements en novembre 2020 et en avril 2021. Inversement, il remonte légèrement lors des moments de levée des restrictions (mai et juin 2020), notamment lorsqu’ils coïncident avec les périodes de vacances scolaires (juillet et août 2020, décembre 2020). À l’été 2021, l’activité d’Airbnb à Paris est en légère hausse et se situe à un niveau supérieur à celui de 2020 (environ 8 000 commentaires de plus), mais largement en dessous de l’année 2019 (environ 24 000 commentaires de moins en juillet et en août 2021 par rapport à l’été 2019), reflétant la faiblesse de la reprise de l’activité touristique dans la capitale. Il est intéressant de noter que ces variations sont extrêmement similaires aux évolutions du taux d’occupation hôtelière à Paris, soulignant leur caractère conjoncturel.

Une forte capacité d’adaptation des plateformes de locations meublées touristiques

Durant la crise, les plateformes de locations meublées touristiques ont montré qu’elles étaient capables de continuer à trouver une clientèle et de nouveaux usages, à Paris mais aussi ailleurs en France et dans le monde.

Les locations meublées sont restées attractives par rapport aux hôtels, notamment du fait de la distanciation sociale qu’offre la location d’un appartement entier et de la possibilité de cuisiner, alors que les restaurants étaient fermés durant de longues périodes (les hôtels ne pouvant proposer à leurs hôtes que des plats à emporter à manger dans leur chambre).

Une autre évolution est la durée des séjours : les logements proposés à la location sur Airbnb sont de plus en plus utilisés pour de longues durées (supérieures à 28 jours). La plateforme veut profiter de l’essor du télétravail et parie sur une nouvelle ère dans laquelle « les frontières entre voyager et vivre quelque part deviennent floues », la pandémie ayant joué un rôle d’accélérateur. Les locations meublées ont ainsi pu être utilisées durant la crise sanitaire comme un moyen de choisir une résidence secondaire temporaire où passer le confinement, pour les télétravailleurs ou certains étudiants. D’après Airbnb, début 2021, 14 % des réservations en France concernaient des séjours longs, un chiffre en hausse notamment à Paris. Cette tendance s’observe encore bien plus fortement dans les grandes villes des États-Unis : à New York, en avril 2021, 62 % des locations étaient réservées pour plus de 28 jours.

Au niveau mondial comme en France, on constate un essor d’Airbnb à la campagne plutôt qu’en ville, poussé à la fois par la crise sanitaire et les réglementations plus contraignantes dans les métropoles. La plateforme a par exemple renouvelé son partenariat avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF) en avril 2021.

 



Une baisse plus limitée du nombre d’annonces à Paris

Un nombre d’annonces qui reste élevé à Paris après un an de crise

En un an, entre février 2020 et février 2021, le nombre d’annonces proposées sur le site d’Airbnb diminue dans l’ensemble des villes analysées. Cette baisse est toutefois assez limitée si on la met en perspective avec le contexte des restrictions sanitaires qui ont prévalu durant de nombreux mois dans ces métropoles. Les villes françaises sont celles qui présentent la plus faible diminution du nombre d’annonces, avec - 2 % à Paris, - 3 % à Bordeaux et - 6 % à Lyon. Les autres villes montrent une baisse plus marquée : - 6 % à Amsterdam, - 11 % à Barcelone, - 12 % dans le Grand Londres, - 21 % à Berlin et surtout - 28 % à New York.

Nombre d’annonces Airbnb à paris et dans sept villes - Source : InsideAirbnb - Traitement Apur

Ces faibles baisses à Paris et dans les villes françaises montrent que la plupart des loueurs ne retirent pas leur(s) annonce(s) du site malgré une activité réduite. Cette donnée invite ainsi à privilégier l’hypothèse d’un retour aux locations de longue durée plus limité qu’annoncé dans la presse². Si on observe la tendance sur plusieurs années (voir graphique ci-après), on voit que malgré la crise, le nombre d’annonces proposées sur Airbnb en 2020 et début 2021 est à un niveau équivalent, voire légèrement supérieur à celui de 2019.

Il n’en va pas de même dans toutes les métropoles mondiales où la plateforme Airbnb est très présente. À New York par exemple, le plus fort retrait des annonces pourrait s’expliquer par le transfert sur le marché des locations classiques de courte durée. Il est en effet possible de louer un appartement « mois par mois » à New York, un type de contrat plus souple et plus court que ceux existant en France, y compris par rapport au bail étudiant et au bail mobilité. En avril 2020, durant la crise sanitaire, la presse new yorkaise a ainsi reporté la forte hausse de ces locations « au mois » (month-to-month tenancy), qui peuvent être interrompues à tout moment avec un préavis d’un mois. D’autres facteurs, comme l’intensité de la crise ou le niveau de la réponse publique, entrent aussi en jeu pour expliquer les différences d’évolution entre les villes et les pays.

Un effet notable de l’obligation du numéro d’enregistrement en juillet 2021

Une analyse de l’évolution mensuelle du nombre d’annonces depuis 2019 à Paris fait ressortir plusieurs effets distincts, visibles sur le graphique ci-après :

  • les évolutions sur le temps long (forte hausse du nombre d’annonces entre 2015 et 2020, potentiel effet de « maturation » de l’activité) ;
  • les effets de saisonnalité (il y a plus d’annonces en juillet et en août que le reste de l’année par exemple) ;
  • l’impact de la crise sanitaire et des restrictions à partir de mars 2020 ;
  • les conséquences des régulations et contrôles mis en place.
Évolution du nombre d’annonces proposées à la location sur Airbnb à Paris - Source : InsideAirbnb, Jeanne Richon. Les données ne sont pas disponibles pour le mois de mai 2021

À Paris, on observe une baisse de - 9 % du nombre d’annonces en avril 2020, lors du premier confinement national. Cependant, dès mai 2020, le nombre d’annonces remonte, traduisant probablement l’anticipation du déconfinement par les loueurs. Les autres confinements, moins stricts, ne semblent pas avoir eu d’impact sur le nombre d’annonces proposées sur le site Airbnb, qui reste à un niveau similaire, voire supérieur, à celui de l’année 2019. En juillet 2021, on constate une chute inédite du nombre d’annonces (- 17 %, soit 10 000 annonces), qui correspond à une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la réglementation concernant le numéro d’enregistrement. En effet, depuis 2017, en application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République Numérique, la Ville de Paris a rendu obligatoire l’enregistrement préalable des locations meublées touristiques de logements entiers, les plateformes étant tenues de retirer les annonces dépourvues de numéro d’enregistrement. Le 1er  juillet 2021, Airbnb a été condamnée à une amende de 8  millions d’euros par le tribunal judiciaire de Paris pour avoir manqué à cette obligation entre 2017 et 2021. Le même jour, la plateforme déclarait avoir rendu nécessaire la mention du numéro d’enregistrement sur les annonces de logement entiers, afin de pouvoir bénéficier de nouvelles réservations. À partir du 1er juillet 2021, les annonces sans numéro d’enregistrement ont ainsi vu leur calendrier bloqué (mais elles n’ont pas été retirées du site par la plateforme).

La baisse du nombre d’annonces proposées sur Airbnb semble être la conséquence de ce changement. Désormais, les annonces sans numéro d’enregistrement ne permettent plus la réservation de séjours de courte durée dans les prochains mois (leur calendrier ayant été bloqué par la plateforme depuis le 1er juillet 2021). Il est ainsi probable que les 10 000 annonces supprimées entre juin et juillet 2021 correspondent à des annonces de logements entiers non enregistrés, qui ont été retirées du site par leurs loueurs suite au blocage de leur calendrier, soit définitivement, soit le temps de se mettre en conformité avec la réglementation. Cette baisse est cependant à relativiser : de nombreuses annonces sur Airbnb étant assez peu actives, il est probable que parmi ces annonces retirées, beaucoup d’entre elles ne contribuaient que très peu à l’activité de la plateforme.

La progressive application de la réglementation parisienne est aussi visible dans la part d’annonces de logements entiers affichant un numéro d’enregistrement valide. D’après les données d’InsideAirbnb, alors que cette part était de seulement 33 % en février 2021, elle passe à 54 % en juillet (lors de l’application de la réglementation par Airbnb), puis à 57 % en septembre. En outre, la part d’annonces de logements entiers proposant des locations uniquement en bail mobilité (qui sont exemptes de l’obligation de numéro d’enregistrement), augmente aussi : elles étaient moins de 1 % en février 2021, mais constituent 3 % des annonces de logements entiers en juin, et jusqu’à 7 % en septembre. Par ailleurs, on peut noter que les annonces des villes limitrophes, qui ne demandent pas de numéro d’enregistrement, pourraient bénéficier de la diminution de l’offre à Paris due à l’application de la réglementation. 

Après cette baisse notable en juillet 2021, le nombre d’annonces reste stable en août et septembre, pour atteindre 49 000 annonces en septembre 2021. Parmi celles-ci, 41 300 sont des annonces de logements entiers, les autres correspondant à des chambres à louer dans un appartement. Il est à noter que toutes ces annonces ne sont pas « actives ». À titre d’exemple, en septembre, 34 % de ces annonces de logements entiers avaient reçu un commentaire durant l’année précédente. En ce qui concerne l’année à venir, en septembre 2021, 50% de ces 41 300 annonces affichent un calendrier réservable (un pourcentage qui reste stable depuis février 2020)³.


Un nombre d’annonces presque constant depuis 2017

L’analyse de l’évolution du nombre d’annonces sur un temps plus long permet de mettre en perspective les variations plus récentes. En observant ces évolutions depuis mai 2015, plusieurs étapes se détachent clairement sur le graphique plus bas :

  • d’abord, de 2015 à 2017, une période de forte croissance du nombre d’annonces proposées sur Airbnb à Paris. En août 2017, un pic est atteint : 68 709 annonces sont disponibles sur la plateforme ;
  • à partir de 2017, une période de stagnation, l’activité d’Airbnb à Paris semble avoir atteint un plateau (élevé) et n’évolue que peu en dehors des mouvements saisonniers.

À ce titre, la diminution récente du nombre d’annonces apparaît comme une évolution marquante. Cependant, il reste à voir si cette baisse se confirme sur les prochains mois, ou si le nombre d’annonces va remonter au niveau auquel il se situe depuis 2017.

Évolution du nombre d’annonces proposées à la location sur Airbnb à Paris depuis 2015 - Source : InsideAirbnb, Jeanne Richon

 

Annonces et locations sur le site Airbnb à Paris en février 2020 © Apur

 

Annonces et locations sur le site Airbnb à Paris en février 2021 © Apur

En 2021, à Paris, une conférence citoyenne sur les meublés de tourisme qui formule le souhait de plus de régulation

En janvier et février 2021, un panel de 26 citoyens reflétant la diversité de la population parisienne a été recruté pour répondre à la question suivante : « Afin de faciliter un meilleur accès au logement, faut-il aller plus loin dans la régulation des meublés de tourisme ? Si oui, de quelle manière ? ».

Au travers de 10 séances de travail, les citoyens ont auditionné experts du logement et parties prenantes (dont des plateformes comme Airbnb) puis rendu un avis, comprenant des propositions d’adaptation et de renforcement de la régulation. Parmi celles-ci, les citoyens recommandent d’accentuer et de simplifier la lutte contre la fraude et les contrôles (via la centralisation des données de location notamment), d’élaborer un cadre réglementaire spécifique aux meublés de tourisme des professionnels, de mettre en place un système de certification des plateformes, ou encore de s’appuyer davantage sur les copropriétés et le voisinage pour limiter les nuisances.

En avril 2021, le Conseil de Paris a repris les principales propositions formulées lors de la conférence citoyenne. Il s’est ainsi engagé à :

  • expérimenter, en lien avec l’État, un système de quota ou d’interdiction par rue ou par quartier dans les zones tendues ;
  • durcir les possibilités de changement d’usage pour les logements et travailler à la protection des locaux commerciaux ;
  • soutenir le développement d’une offre d’hébergement alternative aux meublés de tourisme ;
  • poursuivre le dialogue auprès de l’Union Européenne afin de plaider pour une responsabilisation juridique des plateformes quant aux contenus publiés.



De plus en plus de logements proposés par des multi-loueurs

Les arrondissements du centre plus touchés par la concentration des annonces

Si le nombre d’annonces est en baisse dans toutes les villes observées, la part des annonces mises en ligne par des multi-loueurs, elle, augmente à Paris et dans l’ensemble des villes (à l’exception de Londres). En effet, soit le nombre d’annonces des multi-loueurs diminue, mais moins fortement que l’ensemble des annonces (comme à New York, Amsterdam, Barcelone et Berlin), soit leur nombre augmente, alors même que le nombre des autres annonces diminue (comme à Paris, Lyon et Bordeaux). On observe donc un comportement différencié des loueurs qui n’ont qu’un seul logement proposé à la location, qui ont tendance à retirer leur annonce du site, et des multi-loueurs, qui le font moins, voire qui développent leur activité. Ces derniers sont probablement des professionnels, plus habitués à gérer les variations des flux touristiques à Paris, qui attendent la fin de la crise sanitaire pour reprendre leur activité comme avant.

Nombre et part d’annonces Airbnb rattachées à des multi-loueurs - Source : InsideAirbnb - Traitement Apur

C’est à Paris que la hausse de la part des annonces de multi-loueurs est la plus forte : elle passe de 21 % à près de 25 % (+ 3,4 points) entre février 2020 et février 2021. Cette hausse est encore plus marquée dans les arrondissements centraux, où la part des annonces de multi-loueurs passe de 35 % à 39 % sur la même période (+ 3,7 points).

En valeur absolue, à Paris, le nombre d’annonces de mono-loueurs diminue de - 7 % sur un an, tandis que le nombre d’annonces de multi-loueurs augmente dans le même temps (+ 12 % pour les loueurs proposant de 2 à 9 annonces, + 15 % pour les loueurs proposant plus de 10 annonces sur Airbnb). La dynamique est similaire dans les arrondissements centraux. On constate ainsi un renforcement des dynamiques de concentration et de professionnalisation du secteur des locations meublées touristiques. De plus, la baisse du nombre d’annonces observée à l’été 2021 a aussi accentué cette tendance, la part de multi-loueurs atteignant 27 % à Paris en septembre 2021.

Nombre d’annonces Airbnb à paris selon le profil des loueurs - Source : InsideAirbnb - Traitement Apur

 

Une autre manière de voir l’importance prise par les annonces de multi-loueurs est d’observer, sur l’ensemble des annonces qui ont reçu un commentaire, quelle est la part d’annonces de multi-loueurs. À Paris, sur les 106 000 commentaires laissés sur une annonce durant l’année précédant février 2021 (c’est-à-dire entre février 2020 et février 2021), 45 % des commentaires avaient été laissés sur une annonce émanant d’un multi-loueur. Les commentaires étant le seul indicateur disponible qui nous permet d’approcher le nombre de locations effectives sur Airbnb, on peut dire que les annonces de multi-loueurs semblent ainsi représenter près de la moitié de l’activité de la plateforme à Paris. Cette part est en hausse, puisqu’en février 2020, sur les 458 000 commentaires laissés durant l’année passée (soit entre février 2019 et février 2020) sur des annonces Airbnb à Paris, seuls 31 % étaient laissés sur des annonces de multi-loueurs.

 

Face au ciblage des commerces pour la location meublée touristique, une protection renforcée

Alors que la crise sanitaire et économique a contraint certains commerces en difficulté à mettre fin à leur activité, les locaux commerciaux sont ciblés par les loueurs professionnels qui les rachètent et les transforment en locations meublées touristiques, ce qui est aujourd’hui possible suite à une simple déclaration de changement de destination. Depuis 2015, à Paris, 59 000 m² de surfaces commerciales ont ainsi été transformées en hébergement hôtelier, dont 36 % à Paris centre. Depuis la publication d’un décret d’application en juin 2021 , les communes, comme Paris, qui ont mis en place un numéro d’enregistrement pour les meublés de tourisme vont pouvoir soumettre à autorisation ces transformations. Dans l’objectif de « protéger l’environnement urbain et de préserver l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services », ces communes peuvent voter en conseil municipal les critères (qui peuvent être différenciés selon les quartiers) qui encadrent l’autorisation de transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme. À Paris, un travail est en cours afin de préciser les critères d’autorisation et les zones d’application.

 



À moyen terme, 3 facteurs explicatifs de l’évolution de l’activité des locations meublées touristiques

L’évolution du niveau d’activité des locations meublées touristiques à Paris dans les années à venir dépend de trois facteurs principaux : la crise sanitaire, mais aussi la maturation de l’offre et le renforcement de la régulation.

Un nombre de locations en chute momentanée, pas de retour massif vers la location longue durée

Depuis mars 2020, la pandémie et les restrictions qui l’ont accompagné ont très fortement réduit l’activité d’Airbnb. Le nombre de commentaires, qui permet d’approcher le nombre de locations effectives, a été divisé par 3,5 entre février 2020 et février 2021. Mais les villes françaises, et en particulier Paris, se distinguent d’autres grandes métropoles mondiales par une baisse plus faible du nombre d’annonces proposées sur le site Airbnb (- 2 % sur la même période), poussant la presse à qualifier Paris et la France de « bastions » d’Airbnb face à la décrue du tourisme en 2020. Le retour vers le marché de la location classique semble donc loin d’être aussi massif qu’annoncé par certains au début de la pandémie.

Une tendance à la professionnalisation qui s’accentue

Malgré la diminution forcée de l’activité, les dynamiques de concentration et de professionnalisation des annonces ont continué durant cette période. Paris se distingue comme la ville où la part d’annonces de multi-loueurs augmente le plus fortement sur une année. On observe ainsi des dynamiques différenciées entre mono-loueurs (dont le nombre d’annonces diminue) et multi-loueurs (dont le nombre d’annonces augmente).

Une nouvelle étape dans l’application de la réglementation à l’été 2021

La crise sanitaire et économique n’est pas le seul facteur expliquant la variation de l’activité des plateformes de location meublée touristique comme Airbnb. D’autres effets sont en jeu depuis plusieurs années : une certaine maturation de l’activité, mais aussi le renforcement de la réglementation (et sa meilleure application), des contrôles et des sanctions. Plusieurs décisions de justice récentes ont conforté la validité des règles en vigueur et semblent marquer la fin d’une période d’accroissement de l’activité des plateformes, qui était facilité par l’absence de régulation de cette nouvelle forme d’hébergement. Selon certains spécialistes de ce segment de marché immobilier, tels que Airdna, le parc de locations meublées touristiques (Airbnb et autres plateformes) aurait ainsi atteint son pic à Paris en 2017, ce que confirment les données d’InsideAirbnb en ce qui concerne la principale plateforme (voir graphique plus haut).

La suppression d’une partie des annonces ne remplissant pas leurs obligations légales en juillet 2021 laisse envisager plusieurs hypothèses : diminution de l’activité qui pourrait se stabiliser à un niveau moins élevé, redémarrage après une période d’adaptation de la part des loueurs, ou encore diffusion de l’activité en « tache d’huile » dans les communes limitrophes (qui pourrait être amplifiée par la mise en service du Grand Paris Express). Tout dépendra de l’application de la loi par les plateformes, du dimensionnement des contrôles, ainsi que de l’évolution de la réglementation. Ainsi, si à court terme, la crise sanitaire a un très fort impact, à moyen et long terme, ce sont plutôt les effets de la réglementation qu’il faudra surveiller. À ce titre, un enjeu réside dans la transmission de données par les plateformes, non seulement pour le contrôle, mais aussi pour le suivi et la mesure de l’activité de location meublée touristique.

Cependant, l’activité d’Airbnb à Paris ne va certainement pas s’arrêter. La faible baisse du nombre d’annonces due à la crise sanitaire, ainsi que la poursuite de la professionnalisation du secteur, semblent indiquer que les loueurs anticipent une reprise prochaine de l’activité. Celle-ci pourrait avoir lieu au moment du redémarrage du tourisme international à Paris, et pourrait s’intensifier à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

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¹ - Kassoum Ayouba, Marie-Laure Breuillé, Camille Grivault et Julie Le Gallo, « Does Airbnb Disrupt the Private Rental Market ? An Empirical Analysis for French Cities », International Regional Science Review 43 (2020).[retour]
² - Il est aussi possible que les loueurs revenus aux locations « classiques » choisissent de laisser leur annonce en ligne en prévision d’un retour prochain au marché de courte durée, après une location meublée de 9 mois à un étudiant par exemple. [retour]
³ - Environ la moitié des annonces sur Airbnb ne sont pas réservables à un instant donné, leur calendrier de réservation n’affichant aucun jour disponible, sachant qu’un loueur peut à tout moment ajouter ou supprimer des jours de location disponibles. Une même annonce peut ainsi avoir son calendrier « ouvert » à certains moments et « fermé » à d’autres. En outre, un calendrier non disponible peut correspondre à un calendrier entièrement réservé. [retour]
 - Un multi-loueur peut être un propriétaire de plusieurs logements, une conciergerie ou un gérant professionnel d’appartements. [retour]
 - Il est aussi possible que certains loueurs aient préféré confier la gestion de leur bien à un gérant professionnel du fait de la crise. [retour]
 - http://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/26/paris-et-la-francebastions-d-airbnb-face-a-la-diminution-dutourisme_6074589_3234.html [retour]

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