Vers un service public de la donnée énergétique à Paris

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La donnée, levier de la transition écologique

La Ville de Paris s’est fixé l’ambition d’être une ville neutre en carbone en 2050. Le levier énergétique constitue un axe majeur d’actions avec pour objectifs la division par deux des consommations du territoire grâce à la rénovation de ses bâtiments, et le recours intégral aux ENR&R dont 20 % devront être produits sur le territoire parisien. Le Plan Climat Air Énergie, approuvé en 2018, en est la feuille de route détaillée, riche de 500 mesures. Parmi celles-ci, la création d’un service public de la donnée énergétique (SPDE) constitue une innovation dans les politiques publiques en visant à améliorer le partage des données et la collaboration des acteurs autour des sujets liés à l’énergie. Elle est rendue possible par les nouvelles possibilités offertes par les outils numériques et par le cadre réglementaire de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte qui assouplit la diffusion et l’utilisation des données énergétiques. Cette note détaille la « méthode SPDE » qui repose sur la réunion et le croisement de données de différentes natures et sur la création d’applications numériques pour répondre aux différents besoins de la collectivité, des institutionnels, des propriétaires et des citoyens dont une première, ENERSIG, est présentée dans la suite de la note. Par ailleurs, un recueil cartographique accompagne cette note et réunit huit cartes pour mieux comprendre le fait énergétique à Paris. Il sera complété à la fin 2021 par la mise en ligne d’une dataviz publique.

Un SPDE pour coconstruire des nouveaux services

La rénovation énergétique des bâtiments d’habitation de la Ville de Paris se place en tête des actions à mener pour réduire l’empreinte environnementale du territoire. Le service public de la donnée énergétique se doit d’y contribuer en premier lieu.

Dans la continuité des travaux déjà menés par l’APC, l’Apur et la Ville de Paris, ce service public doit répondre dans un premier temps à deux besoins clairement exprimés :

  • améliorer la connaissance du parc bâti et permettre une lecture d’ensemble des enjeux énergétiques à l’échelle du territoire parisien, notamment des consommations à chaque adresse ;
  • prioriser et organiser les actions de sollicitation et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage, en lien avec les dispositifs existants (CoachCopro, programmes de la Ville de Paris, etc.).

La multiplicité des données permettra au SPDE de couvrir de nombreuses thématiques sous-jacentes au Plan Climat. Leurs croisements permettront de définir et de cartographier des indicateurs sur mesure, répondant à des besoins métier exprimés par la Ville ou
ses agences. La seule contrainte : avoir à disposition des données suffisamment complètes et qualitatives.

 

L’Agence Parisienne du Climat (APC) est une association créée à l’initiative de la Ville de Paris pour l’accompagner dans la mise en oeuvre opérationnelle de son Plan Climat. Elle est guichet unique auprès des parisiens sur la rénovation énergétique, et les questions énergie climat visant à réduire l’empreinte environnementale des habitants et usagers. L’APC porte le dispositif CoachCopro et son observatoire de la rénovation en copropriété, déployé sur 25 territoires en France et bénéficiant début 2021 à près de 10 000 copropriétés.

 

La plus-value d’une solution interne

La mise en place du SPDE repose sur un travail partenarial réalisé par l’APC, l’Apur et la Direction des systèmes d’information et du numérique de la Ville de Paris (DSIN). Que cela soit pour la partie amont de collecte et croisement des données ou pour l’aval avec la définition et la conception de solutions numériques, ce trio APC/Apur/Ville représente un choix fort qui repose sur des compétences techniques, une connaissance fine du territoire et de ses habitants, et la garantie de conserver la maîtrise totale de l’outil et des données.

L’APC et l’Apur disposent d’une « boîte à outils » pour répondre aux enjeux de la transition énergétique. Elle viendra alimenter le SPDE pour renforcer son caractère opérationnel. Le bureau de la géomatique de la ville de Paris dispose d’une expertise métier forte pour la création d’applications de type SIG, et pour la gestion des infrastructures numériques.

Le SPDE est piloté par l’APC, l’Apur et la Direction des systèmes d’information et du numérique de la Ville de Paris (DSIN) en concertation avec plusieurs directions de la Ville de Paris : Secrétariat Général (SG), Direction du Logement et de l’Habitat (DLH), Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE), Direction des Constructions Publiques et de l’Architecture (DCPA), Direction de l’Urbanisme (DU) et avec les gestionnaires de réseau de distribution d’énergie (Enedis, GRDF, CPCU, Climespace).

Construction méthodologique

La constitution de ce service public repose sur deux grands axes :

  1. la création d’un « référentiel de données », ayant pour objectif d’identifier, rassembler, et croiser l’ensemble des données utiles aux politiques énergétiques, mis à jour annuellement par l’Apur ;
  2. la mise en place de « services » ou fonctionnalités sous forme d’applications dédiées pour répondre aux différents besoins de la collectivité, des institutionnels, des propriétaires et des citoyens.

 

Création d'une

 

Le parcours de la donnée

1 - Identification

Toute la stratégie du service public de la donnée énergétique repose sur une sélection au plus juste des jeux de données à utiliser. La création d’un « data swamp » ou « marais de données » est à proscrire. Pour répondre aux premiers besoins exprimés, un référentiel a été constitué à partir de trois natures de données : celles sur les tissus urbains qui décrivent la nature des logements et des activités, celles sur les réseaux et les consommations d’énergie et enfin celles sur les potentiels ENR&R identifiés.
Ce référentiel a vocation à être un véritable « catalogue » des données qui répondent aux problématiques énergétiques du territoire, dans lequel les acteurs publics et ayants droit des données peuvent piocher pour répondre à des besoins qui leur sont propres.

Référentiel de données © Apur

2 - Collecte et préparation

Le travail de collecte et de préparation des différentes sources de données portant sur la consommation et la production d’énergie, sur les potentiels ENRR et sur les caractéristiques des tissus urbains a été réalisé conjointement par l’APC et l’Apur (cf. schéma pour plus de détails sur les données mobilisées).
Cette étape a consisté à définir une méthodologie de croisement des données à l’échelle la plus fine possible en considérant leur caractère hétérogène en matière de structure et de précision.
Deux cas sont notamment rencontrés :

  • La précision géographique à conserver (données à l’adresse, au bâtiment, à la parcelle cadastrale) ;
  • La hiérarchie de la source de donnée (lorsque la même information est présente dans deux sources, laquelle prioriser ?).

3 - Croisement des données avec la création d’une « master table » à la parcelle urbaine

La seconde étape consiste à mettre en cohérence l’ensemble des données dans une « master table », où l’agrégation se fait à la maille de la parcelle urbaine (cf. encart). Ce choix découle d’une réalité : une copropriété ou un équipement n’est pas systématiquement associé à une parcelle cadastrale unique, mais parfois à plusieurs parcelles adjacentes. L’agrégation à la parcelle urbaine permet de résoudre ce type de cas de figure en croisant les données au plus proche de la réalité foncière, tout en conservant un degré de finesse suffisant.
Le SPDE est un système vivant : les données seront mises à jour chaque année pour répondre à l’enjeu de suivi des actions d’efficacité énergétique à l’oeuvre à Paris ; et de nouveaux jeux de données viendront enrichir le référentiel en fonction des besoins.

ENERSIG : ciblage et accompagnement de la transition énergétique des immeubles

ENERSIG est le premier service développé dans le cadre de la mise en place du SPDE. C’est une application numérique permettant la lecture d’un ensemble de données caractérisant les parcelles urbaines d’un point de vue technique, énergétique et fonctionnel. Il répond à trois principaux objectifs :

  1. l’amélioration de la connaissance du territoire parisien dans son ensemble;
  2. l’accès à une information fine et de qualité sur une parcelle donnée ;
  3. la possibilité d’éditer des listings d’adresses pour les opérations de communication et de mobilisation ciblées.

La Ville de Paris compte environ 47 000 copropriétés pour 1 200 000 logements, soit environ 80 % des logements parisiens. ENERSIG a donc vocation première d’appuyer la politique publique d’amélioration de l’habitat collectif privé à Paris. ENERSIG est développé par la Direction des systèmes d’information et du numérique de la Ville de Paris (DSIN) sous un format SIG, en utilisant l’environnement ESRI communément employé par les services de la Ville.

Quels utilisateurs ?

Cet outil sera mis à disposition des directions de la Ville de Paris ayant un lien avec la rénovation énergétique et le suivi de la politique énergétique du territoire. Il s’agirait de la DEVE au travers de l’Agence de l’Écologie Urbaine (AEU), de la DU, de la DLH, de la DCPA et du SG. L’APC est un utilisateur de premier niveau dans le cadre du renforcement de la dynamique de rénovation en copropriété. L’Apur en est également destinataire pour ses missions d’analyse du territoire.

Éléments constitutifs de ENERSIG

La vue principale de ENERSIG constitue le tableau de bord du territoire. Il se compose de plusieurs éléments :

  • un ensemble cartographique (nature des parcelles, mode de chauffage, période de construction, potentiel solaire, etc.) ;
  • un panel de chiffres clés (nombre de logements, de stationnements, sommes des surfaces, etc.) ;
  • une sélection de graphiques en histogrammes, courbes ou secteurs (période de construction, consommation d’énergie, etc.) Il est possible de sélectionner une ou plusieurs parcelles directement sur la carte, ou d’appliquer des filtres (techniques, économiques, etc.) pour faire apparaître le parc souhaité.

 

Répartition des copropriétés connues chauffées au fuel © Apur

 

Tableau de bord du territoire © Apur

 

Carte d’identité des parcelles urbaines

La « carte d’identité » de la parcelle sélectionnée sur la carte permet d’avoir une information complète sur la nature des propriétaires, la typologie des bâtiments, la nature des activités et l’état des raccordements aux énergies de réseau. Cette sélection permet également le suivi des consommations annuelles de l’ensemble des adresses de la parcelle urbaine, de 2011 à 2019, sous forme graphique (non corrigé du climat).
Cette fonctionnalité est à l’usage des équipes d’accompagnement des projets de rénovation en copropriété de l’APC et des services de la Ville de Paris, notamment la DLH et la DCPA. Elle améliore la compréhension du contexte technique lors des permanences info-conseil, ou de l’inscription des copropriétés sur CoachCopro.

Typologie des propriétaires © Apur


Cas d’application n° 1 : diagnostic territorial simplifié

Une direction de la ville de Paris souhaite connaître le parc de bâtiments dont la typologie dominante est le logement d’un arrondissement. Grâce aux deux filtres « arrondissement » et « typologie dominante », une carte (ici des périodes de construction) et des chiffres clés qui répondent au besoin sont rapidement générés.

Cas d'application n°1 © Apur

Cas d’application n° 2 : activité de conseil et d’accompagnement

L’APC accompagne les parisiens à la transition écologique de leur bâtiment. En connaissant l’adresse des particuliers qui sollicitent un accompagnement, le conseiller peut avoir accès à de nombreuses informations techniques en amont et pendant l’échange (période de construction de la copropriété, nom du syndic, présence d’un fonds travaux, etc.).
Les données concernant l’approvisionnement en énergie sur la parcelle bénéficient à l’accompagnement des projets de rénovation à l’échelle de la copropriété. Les historiques de consommations et les caractéristiques de raccordement au réseau de chaleur permettent d’établir un premier bilan énergétique avant travaux, mais également de procéder à une évaluation des diminutions de consommation après rénovation.

Cas d'application n°2 © Apur

Cas d’application n° 3 : zone de rénovation concertée

Un groupement d’immeubles souhaite évaluer les opportunités de travaux d’amélioration de la performance énergétique à mener en commun. En sélectionnant un ensemble de parcelles voisines, il est possible d’afficher les chiffres clés et informations graphiques qui leur correspondent, tout en affichant une information sur la carte (ici le potentiel solaire en toiture). Ici, les données du plan local de l’énergie (PLE) trouvent leur sens. Elles permettent d’estimer les surfaces de façades non mitoyennes sujettes à l’isolation par l’extérieur.

Cas d'application n°3 © Apur

Cas d’application n° 4 : générer une campagne de mobilisation des copropriétés

L’application des filtres, et la possibilité d’exporter les résultats en format CSV permettent de générer en quelques clics des listes d’adresses stratégiques. Elles peuvent facilement faire l’objet de campagnes de mobilisation ou de communication ciblées, sur des sujets bien identifiés.
Par exemple, la Ville de Paris suit un objectif de zéro chaudière au fioul d’ici à 2030. L’application permet d’identifier les adresses en copropriété concernées par cette énergie, et se trouvant à x mètres de distance du réseau de chauffage urbain. Cette liste d’adresse fait alors l’objet d’une campagne d’information par courrier, ou d’un démarchage par l’intermédiaire du syndic.

Cas d'application n°4 © Apur

De nombreuses pistes envisagées en 2021

Le travail réalisé pour le compte du projet SPDE tout au long de l’année 2020 a permis d’améliorer de façon considérable la connaissance fine du territoire parisien sur les enjeux énergétiques. En 2021, l’outil ENERSIG pourra être agrémenté avec d’autres données, comme le recensement des immeubles sensibles aux vagues de chaleur, les DPE des logements, ou encore les autorisations d’urbanisme concernant les ravalements et isolations.

Le SPDE ouvre également de nombreuses perspectives.

1. Le développement de nouvelles applications numériques dans la lignée d’ENERSIG

Le travail réalisé pour le référencement des données et la constitution de la « master table » permet d’envisager la réalisation d’autres outils de suivi et d’aide à la décision liés au Plan Climat. Quatre premiers sujets se détachent :

  • la mise en place d’une application sur le tertiaire en partenariat avec l’Agence de l’écologie urbaine, portant un double objectif : l’amélioration de la cartographie des différents tertiaires parisiens et des surfaces associées, et le suivi de leur consommation d’énergie ;
  • la création d’un outil pour appuyer la Ville de Paris dans sa stratégie sur les réseaux d’énergie ;
  • un travail sur le repérage de la précarité énergétique dans les logements.
  • La mise en ligne d’une application « grand public » à partir des données diffusables à tous.

2. L’exportation de la « méthode SPDE » vers d’autres territoires

Le SPDE est à considérer avant tout comme une méthode de travail partenariale entre des acteurs publics ou associés, permettant de réaliser des outils métier sur mesure. La duplication de la méthode SPDE vers d’autres territoires représente un enjeu majeur. Un premier test pourrait être mené sur l’un des territoires de la Métropole du Grand Paris. Cela permettrait de rechercher les moyens d’adapter la méthodologie de collecte et de croisement de la donnée pour surmonter les limites déjà identifiées. Sur la Métropole du Grand Paris, on pense notamment à :

  • une place importante des tissus pavillonnaires pour lesquels les données de consommations d’énergie ne peuvent pas être transmises par les opérateurs ;
  • une disparité en matière de disponibilité et/ou qualité de certaines données. Par exemple, le registre national des copropriétés semble moins bien renseigné en dehors de Paris. D’autres jeux de données comme les autorisations d’urbanisme sont propres à chaque commune ou EPCI, ce qui rend leur collecte et traitement plus conséquents.

 

Les points essentiels pour se lancer dans son SPDE ?

  • Bien connaître les données locales disponibles issues des services de la collectivité et des agences ;
  • Intégrer dans le tour de table les acteurs de la donnée, du producteur à l’utilisateur des services ;
  • “Chaque problématique a son outil” : ne pas chercher intégrer trop d’information dans une même application métier, et poursuivre un objectif clair ;
  • S’appuyer sur l’expertise des agences d’urbanisme et agences locales de l’énergie et du climat.

Ressources

Documents à télécharger

  • Note

    Vers un service public de la donnée énergétique à Paris

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  • Étude

    Service public de la donnée énergétique - Atlas de données publiques

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